Martine Aubry: patienter (encore) jusqu’à l’automne
Elle l'a dit d'emblée pour que ce soir bien clair : «Moi, je ne suis pas candidate, voilà, c'est la seule chose que je peux vous dire», a déclaré Martine Aubry, vendredi à Lille. Mais celle qui avait affronté Hollande dans la primaire de 2011 ne compte pas pour autant rester en dehors de celle de 2017. Pour la première fois depuis le début du quinquennat, elle avait prévu de réunir ses propres «amis» à la rentrée. Un lieu avait été réservé à Montpellier pour la fin de cette semaine. Mais après l'attentat de Nice, il a été décidé de «reporter» l'événement «pour l'automne», explique l'un de ses proches, François Lamy.
Un nouveau rendez-vous est annoncé «dans le courant du mois de novembre», soit pile avant les déclarations de candidatures à la primaire. Afin, précise le député de l'Essonne, de «faire des propositions à mettre dans le débat présidentiel». «Au-delà de la question du bilan, il va falloir poser les conditions pour remobiliser la gauche», poursuit-il. Aubry et les siens veulent empêcher que les socialistes s'enferment dans des débats sur l'islam et la sécurité pour remettre sur la table les questions de «justice sociale», de «lutte contre les inégalités» et de «progrès humain». Qui soutiendra-t-elle ? Lamy botte en touche : «On discutera de ça en novembre, rien n'est acté.»
Arnaud Montebourg: prouver qu’il ne bluffe pas
A Frangy-en-Bresse, dimanche, il a avancé les grandes lignes de son «Projet France». Considéré par ses proches comme la seule «alternative» à François Hollande, Arnaud Montebourg va devoir cependant préciser dans quel cadre ce projet se situe : dans la primaire du Parti socialiste ou directement au premier tour de la présidentielle ? L'ex-ministre de l'Economie répète qu'il participera à la désignation de janvier si elle est «loyale». «C'est un moyen d'éviter la dispersion au premier tour. Ce n'est pas une fin en soi», prévient le député Laurent Baumel, désormais membre du premier cercle de Montebourg. Cette menace d'y aller sans passer par la primaire doit permettre de peser sur la direction du PS pour empêcher le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, de la verrouiller en faveur de Hollande. Crédible ? Plusieurs socialistes parient sur un deal avec des communistes qui aimeraient soutenir quelqu'un d'autre que Mélenchon. La direction pourrait ainsi lui apporter les 500 parrainages nécessaires pour se présenter dès le premier tour. «C'est une légende urbaine», dément-on place du Colonel-Fabien. Où l'on explique que la question des parrainages n'est «pas un sujet aujourd'hui».
Pierre Laurent: sortir du piège dans lequel le PCF est enfermé
Que c'est dur… En six mois, le patron du PCF, Pierre Laurent, a vu Mélenchon partir en échappée et Cambadélis accepter, à la surprise générale, une primaire de toute la gauche, Hollande compris. Résultat : les communistes se sont faits piéger. Eux qui rêvaient d'une primaire «citoyenne» sans le PS ont refusé de s'embarquer dans un processus de désignation qui aurait pu les conduire à soutenir un président sortant dont ils combattent la politique. Lors de l'université d'été du parti à Angers, Pierre Laurent a prévu d'«aborder», selon son entourage, la marche vers 2017. «Il fera des propositions», précise Olivier Dartigolles, porte-parole du parti, pour que ceux qui souhaitent une «alternative au fiasco de ce quinquennat se mettent autour d'une table et décident de priorités».
Le secrétaire national du PCF a prévu une tournée d’été de ses partenaires : il ira à Lorient pour les journées d’été d’EE-LV et interviendra - à distance - aux Journées d’été des «frondeurs» à La Rochelle en septembre, faute de pouvoir s’y rendre pour cause de Fête de l’Huma à La Courneuve. L’occasion (d’essayer ?) de trouver une autre candidature que celle de Mélenchon, dont une majorité à la direction du PCF ne veut pas, avant leur conférence nationale fixée au 5 novembre.
Cécile Duflot: dominer la concurrence interne
Elle n'en voulait pas, mais elle y va. «Au travers de la primaire de l'écologie, j'ai décidé de concourir à l'élection présidentielle», a officialisé samedi, dans une lettre ouverte publiée par Libération , la vraie patronne d'Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), Cécile Duflot. Avant de se lancer dans la course à l'Elysée, elle va donc devoir en passer par une primaire interne qui a toujours pris, chez les écologistes français, les allures d'un exercice d'autodestruction.«Il n'y aura aucun mot négatif de sa part pour les autres candidats, promet l'un de ses proches. La campagne des écologistes devra être collective. Elle n'aura pas, face à elle, des concurrents mais des colistiers.» Aux Journées d'été de son mouvement (25-27 août) à Lorient (Morbihan), la députée de Paris sera pourtant confrontée à - au moins - deux autres prétendants à la candidature : les eurodéputés Michèle Rivasi et Yannick Jadot. Et si son statut d'ex-ministre du Logement et sa connaissance du parti (qu'elle a dirigé de 2006 à 2012) en font la grandissime favorite de cette primaire, les sondages sont très mauvais pour Duflot. «A ce stade, ce n'est pas encore un problème, esquive son entourage. On ne sait pas encore qui est candidat à gauche ni combien il y en aura.» Son pari ? Un match final à trois : elle, Mélenchon et Hollande. «L'espace est mince, admet Cécile Duflot, mais il existe.»
Benoît Hamon: gagner en crédibilité
Il a lancé la rentrée. Le 16 août, tout juste rentré de ses vacances dans les Pyrénées, Benoît Hamon a déclaré sa candidature à la primaire. A Saint-Denis les 27 et 28 août, il va tenter de la crédibiliser alors que bon nombre de ses camarades socialistes ne prennent pas l'ex-porte-parole du PS au sérieux. «Il a un deal avec Hollande, celui d'être adoubé comme son opposant en chef pour pouvoir négocier après, c'est évident, peste un élu de son bord. Mais résultat, la gauche du PS va exploser en mille morceaux.»
Car Hamon n'est pas le premier arrivé à la gauche de François Hollande. L'ancien inspecteur du travail Gérard Filoche est déjà candidat. Comme la sénatrice de Paris, Marie-Noëlle Lienemann, qui déroule ses propositions et rappelle que, contrairement à Montebourg et Hamon, elle n'a «jamais été dans le trip» de peser sur Hollande et n'est pas responsable de la présence de Valls à Matignon. Avec quelques thématiques très identifiées - «nouveau modèle de développement», «légalisation du cannabis», «autre Europe», «lutte contre les discriminations»… - Hamon dit vouloir aller «jusqu'au bout» et espère convaincre les déçus de Hollande qui rechignent à suivre Mélenchon. Il a quelques semaines pour faire mieux qu'Arnaud Montebourg dans les sondages.
Manuel Valls: jouer «le cœur de la majorité»… au cas où
Il a décliné l'invitation. Le Pôle des réformateurs, collectif rassemblant les plus à droite du Parti socialiste, l'avaient convié à leur rendez-vous de rentrée le 25 août. Mais Manuel Valls n'a pas inscrit l'événement à son agenda. Malgré la concurrence d'Emmanuel Macron sur le terrain du «modernisme» et des«tabous» auxquels la gauche devrait s'attaquer, ses proches lui ont conseillé de ne pas aller s'afficher avec l'aile droite du PS mais de «jouer le cœur de la majorité». Car si Hollande est empêché, il faudra que sa candidature s'impose d'elle-même dans la future primaire. Résultat, c'est sur le terrain des «valeurs» et de «la République» que le Premier ministre fera sa rentrée, notamment le 29 août à Colomiers (Haute-Garonne) pour un discours. Valls a déjà commencé dans une interview accordée à la Provence la semaine dernière où, actualité oblige, il était beaucoup question d'islam et de sécurité. Tout en excluant de légiférer, il a soutenu les maires ayant pris des arrêtés antiburkini. Ce qui fait grincer des dents une partie des socialistes : «Je ne comprends pas ce qu'il fait, soupire un responsable PS. S'il voulait plomber une candidature de gauche, il ne s'y prendrait pas autrement.»
Jean-Luc Mélenchon: tenir la longueur
Jean-Luc Mélenchon, lui, ne change pas de stratégie. Parti dès le mois de février en campagne présidentielle, l'ex-candidat de 2012 (11,1 %) s'est imposé dans le paysage de 2017. Les sondages lui offrent déjà un score à deux chiffres - parfois même devant François Hollande - et il bat les records d'audience des émissions dans lesquelles il est invité. Le député européen est attendu le dimanche 28 août à Toulouse pour un discours au «pique-nique»de ses «insoumis», dont il se veut le représentant. «Ce sera une intervention tournée vers le futur», annonce son porte-parole, Alexis Corbière, ravi de la «mélenchonisation» de la primaire socialiste. Mais s'il a enterré le Front de gauche avant les vacances, Mélenchon vise toujours un soutien des communistes, qu'il retrouvera à la Fête de l'Humanité (du 9 au 11 septembre).
«On ne comprend pas trop l'obstination de certains d'entre-eux à boxer Jean-Luc et le calendrier intenable qu'ils ont choisi, dit Corbière. Pour l'instant, on avance sans eux : sur le programme, les signatures de maires. C'est chronophage mais on va y arriver.»Faute de mieux, la direction communiste pourrait tout de même finir par le soutenir. Mais beaucoup, souligne un élu PCF, ne«reconnaissent plus» le candidat avec qui ils ont fait campagne en 2012. Notamment dans ses positions proches d'une sortie de l'euro, ses ambiguïtés sur l'accueil des réfugiés ou ses déclarations concernant Vladimir Poutine.
Emmanuel Macron: tenir le numéro d’équilibriste
La couverture de Paris Match mi-août, des déplacements ministériels, en pleine pause du gouvernement, dans l'Aveyron ou en Vendée (où il a confié «ne pas être socialiste»), Emmanuel Macron ne renonce à rien. Et ce, même si son aventure politique prend des allures de chemin de crête escarpé. Le regain d'attention que lui avait valu son tonitruant meeting du 12 juillet à Paris n'a pas résisté aux attentats de Nice puis Saint-Etienne-du-Rouvray. Lui qui envisageait alors de quitter Bercy pour retrouver sa liberté de parole a dû «changer [ses] plans», conscient de l'impossibilité d'entraîner une opinion de nouveau focalisée sur la sécurité. La rentrée lui sera plus propice, espère t-il. «Il va donner une vision, proposer des idées et voir comment réagit la société, décrypte un proche. Si la dynamique est porteuse, la question de l'incarnation trouvera sa réponse.» La démission de Macron serait alors actée. Pas nécessairement sa candidature à la présidentielle, dont il exclut qu'elle soit «de témoignage».
Pour se lancer, Macron devra au préalable être convaincu qu’un espace politique va se libérer au centre. Autrement dit, que Hollande va raccrocher et que Sarkozy sortira victorieux de la primaire de la droite. Deux événements sur lesquels le leader du mouvement «En marche» n’a aucune prise. Croyant en son étoile, il se prépare néanmoins à écarter François Bayrou, autre homme de foi, de sa route : tel serait le sens caché de son escapade le 19 août au Puy-du-fou (Vendée) en invité du très catholique Philippe de Villiers.