Le désaveu de la gauche ne veut pas dire le retour en grâce de la droite. Si les Français semblent décidés à vouloir sanctionner le gouvernement et l’actuel président de la République, cela ne signifie pas qu’ils accordent beaucoup de crédit à l’opposition. Ils semblent convaincus, selon notre sondage Viavoice, qu’une victoire demain de la droite ne changerait pas grand-chose à leur quotidien. Si un candidat LR devait devenir président, ils sont 52 % à penser qu’il ne ferait pas mieux que la gauche en matière économique et sociale (contre 32 % l’inverse). Plus surprenant encore, 52 % des Français (contre 30 %) n’imaginent pas un gouvernement de droite plus efficace en matière de lutte contre le terrorisme que l’actuelle majorité. Mais, signe de la droitisation de la société française, ils sont quand même 37 % à déclarer que si le FN arrivait au pouvoir, il ferait mieux que la gauche (soit 7 points de mieux que dans une hypothèse d’un président LR).
Désillusion ou lucidité?
Ce «ni droite ni gauche» est-il le signe supplémentaire d'une forme de désillusion démocratique ou au contraire la manifestation d'une lucidité et d'une maturité d'un corps électoral qui sait pertinemment que l'alternance n'annonce plus de grand soir ? «La France doute de la capacité du gouvernement à résoudre les problèmes du moment sans pour autant imaginer que d'autres pourraient faire mieux», répond François Miquet-Marty, le patron de Viavoice. C'est aussi le résultat de cette tripartisation du corps électoral où le représentant de chaque camp (gauche, droite, FN) a mathématiquement les deux tiers des Français contre lui. Miquet-Marty met en garde : «Si la campagne électorale ne lève pas ce doute de crédibilité de la droite, alors la présidentielle se jouera sur le rejet des personnes et les rivalités identitaires.»
Des personnalités qui semblent d'ores et déjà presque plus importantes que la couleur du camp qu'elles portent. Viavoice a posé cette question simple : souhaitez-vous que le candidat qui sort vainqueur de la primaire soit élu président ? Si 26 % des sympathisants de la droite et du centre répondent oui, 66 % mettent un gros bémol : «Tout dépend du candidat.» C'est dire le niveau de défiance qui peut exister au sein d'une même famille politique. La sortie fracassante de François Fillon, dimanche devant ses soutiens contre Nicolas Sarkozy (lire pages 4-5), illustre à la fois un coup tactique (le tout pour le tout pour combler son retard) et une réalité électorale (il y a une vraie détestation, y compris à droite, de l'ex-président).
Valeur numéro 1
L'autre enseignement de notre sondage donne en partie raison à l'option de campagne choisie par Fillon et Juppé : si les Français sont préoccupés par les questions d'identité et de sécurité, ils veulent entendre parler d'autre chose, et bien sûr, d'économie. A en croire Viavoice, les questions sociales et économiques seraient même très largement prioritaires dans la liste des thèmes qu'ils souhaitent voir aborder dans la campagne de la primaire. Et c'est toujours vrai pour les sympathisants de droite et du centre, pour qui la «lutte contre la délinquance et l'insécurité», ou celle «contre le terrorisme» arrivent loin derrière «la limitation des dépenses publiques», «l'amélioration de la compétitivité des entreprises», ou «la création d'emplois». Certes, la question de l'islam taraude l'opinion publique française : la laïcité est la valeur numéro 1 que les sympathisants de droite veulent voir défendre dans leur primaire. Mais étrangement, le thème de l'autorité pourtant si cher à Nicolas Sarkozy arrive en avant-dernière position, juste devant «les valeurs patriotiques».