Non seulement il assume cette formule de «l'identité heureuse» qui lui a valu les railleries des sarkozystes mais il compte «en faire le fer de lance de sa campagne». «Je veux faire lever une espérance. C'est ça que j'entends par l'identité heureuse. Et je vais enfoncer le clou», a-t-il asséné dimanche sur Europe 1. Son rival veut le caricaturer en grand mou candide ? Alain Juppé accentue encore son profil de candidat «équilibré» faisant les louanges de la «modération» en politique. Sa campagne ne sera pas le «rouleau compresseur» sarkozyste. Ici, pas de punchline ni de mesure choc. Ce n'est pas non plus dans les meetings de Juppé qu'on croisera des supporteurs en transe. «Il n'existe pas un manuel du bon candidat qui dit qu'il faut cliver, faire le "blast". Il n'y a pas une seule manière de faire campagne», prévient son entourage.
A trois mois du premier tour de la primaire, le camp du maire de Bordeaux va continuer de cultiver l’image de l’homme pondéré qui a fait la clé du succès de l’ex-Premier ministre, au zénith dans l’opinion depuis deux ans et toujours largement en tête dans les intentions de vote.
«Baffes». «La position de favori est enviable et fragile, concède Gilles Boyer, son directeur de campagne. Quand on est devant, on aspire à y rester.» Pour se poser en homme qui «rassure et rassemble», Juppé promet de faire la course dans son couloir sans s'attaquer à ses concurrents. «On ne déviera pas de notre ligne et on n'ouvrira pas la boîte à baffes toutes les trois minutes», assure le député Benoist Apparu. Une posture plus facile à tenir lorsqu'on n'a pas de retard.
Juppé s'autorise à cibler les faiblesses de Sarkozy en se posant en contre-modèle. «C'est extrêmement difficile de garder son sang-froid, de garder son équilibre, a-t-il insisté sur Europe 1. C'est extrêmement facile de se précipiter aux extrêmes.» Samedi à Chatou (Yvelines), où il faisait sa rentrée, il a promis à ses partisans de ne «pas dire à chacun ce qu'il a envie d'entendre», se refusant à «instrumentaliser les peurs et à flatter les bas instincts». Quant au présupposé selon lequel le contexte post-attentats appelle un leader à poigne qui parle cash, les juppéistes misent sur l'inverse. «A la gravité du moment, il faut opposer la solidité, dégager une confiance. Il y a une crédibilité Juppé», vend Jean-Pierre Raffarin qui ne croit plus au «marketing du "j'ai changé"» servi par Sarkozy.
«Voix». A Chatou, Juppé a développé l'idée de son pacte entre la République et les représentants de l'islam, mais il a aussi parlé éducation, violences faites aux femmes, écologie et innovation. Refusant de se cantonner aux thèmes identitaires, tout en prouvant qu'il n'est pas le moins droitier sur le reste. «On peut être modéré dans les propos et ferme sur les propositions, tranche Boyer. Une campagne ne se joue pas aux décibels mais au nombre de voix.» Parler mezzo voce quand le camp d'en face pousse le volume à fond est tout le pari.