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Libération
Macron

2017, la tentation du centre

Juppé, Bayrou… Le créneau du réformateur raisonnable est déjà pris. A moins que... Le fondateur d’En Marche ! peut séduire les centristes, qui voient en lui un candidat du renouveau.
En février 2016, à Bercy, lors d’un forum avec de jeunes entrepreneurs pour lutter contre les stéréotypes en matière de recrutement. (Photo Stéphane Remaël)
publié le 30 août 2016 à 20h41

Au centre, ça se complique. Sur le créneau du réformateur humaniste, audacieux mais raisonnable, il y a risque d’embouteillage à la présidentielle. Certes, Alain Juppé et François Bayrou occupent solidement le terrain. Le premier en tant que candidat à la primaire LR, le second en tant que recours si cette primaire devait couronner «l’extrémiste» Sarkozy. Mais rien ne garantit que les électeurs qui veulent se débarrasser de Hollande et barrer la route à Sarkozy ne seront pas tentés de faire des infidélités aux maires de Bordeaux et de Pau.

Car Macron leur plaît beaucoup, ils le reconnaissent sans ambages. Jean-Pierre Raffarin, soutien de Juppé, lui trouve un vrai talent. «Ça fait un pèlerin de plus dans le chemin central de la République. Ce n'est pas mal, ça apporte un peu de sang neuf», expliquait-il en avril, ajoutant même qu'un «partenariat» Juppé-Macron ne lui paraissait «pas impossible». Dans l'entourage du maire de Bordeaux, on se montre plus sévère : «Macron peut bien dire qu'il n'est pas de gauche, cela ne fera pas oublier qu'il a tenu la plume d'un président qui a imaginé la taxe à 75 % pour les hauts revenus.» En janvier, c'est pourtant Juppé lui-même qui lançait à propos du jeune Macron : «Je suis l'original, il est la copie.»

«Equation»

Le fondateur d'En Marche ! séduit plus encore les centristes de l'UDI. Présent lors de la rencontre des clubs «Perspectives et réalités» à l'île aux Moines le 27 août, l'ancien ministre de l'Economie et des Finances Jean Arthuis, aujourd'hui député européen, ne cachait pas qu'en cas d'échec d'Alain Juppé à la primaire de la droite, il n'excluait pas Macron «de l'équation». Laurent Hénart, président du Parti radical valoisien, verrait bien Macron dans le jeu de la présidentielle de 2017, comme «une personnalité pouvant incarner le renouveau que les Français souhaitent ardemment. Il est conscient que les vieilles définitions politiques ont vécu». Le chef de file des radicaux tend la main à l'ex-ministre de l'Economie : «Son geste courageux, un acte d'émancipation, ouvre la porte à une large recomposition. Nous avons, je le crois, des choses à échanger et peut-être même à construire. Il a plus de choses à faire avec nous qu'avec Aubry, Montebourg ou même Hollande.» Libéré de toute entrave gouvernementale, Macron offre une alternative à ceux qui ne se voyaient pas reprendre du service derrière François Bayrou pour une quatrième campagne présidentielle.

«Extrême»

Revendiquant tous deux un positionnement «ni droite ni gauche», Macron et le maire de Pau ont en commun de refuser de jouer le jeu des primaires. Ils excluent tous deux de participer aux compétitions organisées par LR et par le PS au motif que ce processus de sélection favoriserait mécaniquement les extrêmes. «Cela pousse à se lancer dans une course pour essayer de se différencier. Chacun va gagner à l'extrême de son parti, avant de se recentrer. Le candidat désigné trahit donc le candidat aux primaires qu'il a été», expliquait Macron aux Echos le 25 août, dans une allusion implicite au vainqueur de la dernière primaire PS, François Hollande. Bayrou ne dit pas autre chose. Et il en a déjà tiré les conséquences : il sera candidat en 2017 si la primaire LR débouche, comme il le craint, sur un échec de Juppé et une victoire de Sarkozy.

Le centriste revenu de la gauche se pose donc en concurrent potentiel de son aîné, revenu d'une droite qu'il a quittée depuis dix ans. En cas de défaite de Juppé à la primaire LR, ils sont tous deux susceptibles de se disputer l'électorat centriste-réformateur orphelin. Sollicité par Libération, Bayrou répond qu'il n'a «pas un mot à dire» sur cette histoire qui ne concerne, selon lui, que «la gauche et le gouvernement». Et qu'on ne compte pas sur lui pour en rajouter au «tintamarre» ambiant.