Menu
Libération
Démission

Pourquoi Macron rompt

Hamon candidatdossier
Il n’a pas démissionné en se déclarant candidat à la présidentielle mais il ne cache guère qu’il ira, sans passer par la primaire, si Hollande renonce. En attendant, il tâchera de se construire un espace politique en dehors des appareils. Une voie étroite.
Emmanuel Macron en visite au Salon de l’agriculture, le 3 mars. (Photo Stéphane Rémaël pour «Libération»)
publié le 30 août 2016 à 20h41

Moins de 24 heures. En cette rentrée, c'est donc le temps qu'aura duré «l'unité» des hollandais. Le temps d'un meeting à Colomiers, lundi soir, où les responsables socialistes voulaient afficher leur «loyauté» - Manuel Valls le premier - à un François Hollande garant, pour eux, des «valeurs de la République» face à une droite en campagne et à l'extrême droite. «Unis», ont-ils scandé… jusqu'à ce qu'Emmanuel Macron se décide, ce mardi, à démissionner. Le ministre de l'Economie a mis fin au suspense médiatique sur son départ du gouvernement, question posée depuis la création de son mouvement politique En Marche ! au printemps.

«Cette démarche n'est pas compatible avec l'appartenance à un gouvernement qui restreint l'action […] ni avec l'indispensable solidarité qui s'impose à un ministre. J'ai donc choisi de présenter ma démission», a-t-il affirmé lors d'une allocution de plus de dix minutes en fin d'après-midi depuis Bercy. Partir plutôt que se faire virer : «Il ne pouvait plus rester un pied dedans, un pied dehors. C'était intenable pour tout le monde», observe un ministre. «Plus tôt on clarifie, mieux c'est», se rassure de son côté un conseiller.

«Diagnostic»

S'il a répété faire ce choix pour «être libre et responsable», le désormais ex-ministre de l'Economie n'a pas - encore ? -officialisé sa candidature à l'élection présidentielle. Il dit vouloir pour l'instant «entamer une nouvelle étape de [s]on combat et construire un projet qui serve uniquement l'intérêt général». Il s'est fixé la «fin septembre» pour poser un «diagnostic» et, quelques mois plus tard, proposer un «plan de transformation du pays». Un calendrier qui permet d'attendre que se décante le paysage présidentiel : connaître le candidat issu de la primaire à droite (fin novembre) et voir si François Hollande (début décembre) annonce qu'il se représente. «Il a la volonté de démarrer une campagne présidentielle. Je ne sais pas si ça veut dire l'achever…» fait savoir le député PS de Gironde Gilles Savary, proche de Macron. Laisser planer le doute ? «Ce n'est plus être moderne, ça. C'est prendre les gens pour des cons», balance Luc Carvounas, sénateur proche de Valls. Macron a tout de même bouclé son intervention en précisant qu'il s'agissait d'un «choix engageant» et s'est dit «déterminé à tout faire pour que nos valeurs, nos idées, notre action puissent transformer la France dès l'année prochaine».

Un nouveau défi lancé à François Hollande ? Mardi, il a rendu hommage au chef de l'Etat comme si son temps était passé : «Je suis convaincu que les Français lui rendront justice», a-t-il dit. Plusieurs responsables socialistes estiment que cette sortie n'a qu'un objectif : empêcher une nouvelle candidature Hollande. Dans sa dernière interview de ministre, Macron avait refusé de dire s'il se présenterait contre celui à qui il doit tant : «Je ne fais jamais de politique-fiction», avait-il répondu aux Echos. «Si Hollande est candidat, il y aura d'autres candidatures à gauche et le couloir droit sera archiplein! Si c'est Juppé qui gagne, il n'a pas d'espace. Si c'est Sarkozy, Bayrou sera sur son espace», observe un ténor socialiste qui lui prédit les pires difficultés sur ce terrain. Et si le président sortant n'y va pas, un autre candidat issu de la primaire sera présent au premier tour. Macron ayant, dès le départ, refusé de participer à un exercice organisé par le PS.

Transgression

«Toutes les hypothèses sont ouvertes», veut croire Savary. Qui précise toutefois : «Emmanuel Macron ne sera pas dans l'hallali contre Hollande. Il va présenter une offre politique différente». «L'avenir de la gauche se construira sur deux jambes, ajoute-t-il. Mitterrand l'avait fait avec le jeune PS et le vieux PCF. L'avenir sera avec le vieux PS et quelque part ailleurs au centre gauche. Macron est peut-être en train de créer ça. Je préfère que cette offre politique nouvelle soit pas loin de nous plutôt qu'à droite !»

Beaucoup de responsables de la majorité estiment ainsi que l'ex-ministre risque de perdre à l'extérieur du gouvernement ce qui faisait sa spécificité à l'intérieur : la transgression. Ils le voient par ailleurs trop faible pour résister aux forces immuables de l'attraction présidentielle sous la Ve République. Soit très peu de places pour les candidatures du centre. Comme il l'avait déclaré au lancement d'En Marche !, Macron veut s'affranchir des étiquettes politiques, bousculer une «organisation politique [qui] serait immuable», lever les «blocages» du «système politique, social et économique» français. Avec un bémol, remarque un ministre : «Il a été conseiller du président de la République, il a participé à la mise en place de la ligne économique. Qu'est-ce qui rendait sa vie impossible dans ce gouvernement ?» «Il quitte le gouvernement sur une ambition personnelle, pas sur un désaccord politique, fait valoir un ancien camarade. Les gens n'aiment pas les traîtres.» Gagner sur la «rupture», Sarkozy l'a fait en 2007. Mais lui avait le soutien d'un parti puissant.