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Libération
Récit

Sarkozy, le vent des boulets

A deux mois de la primaire à droite, les ennuis pleuvent sur l’ancien président, qui stagne dans les sondages.
Nicolas Sarkozy à La Baule (Loire-Atlantique), lors de l’université d’été Les Républicains. (Photo Albert Facelly)
publié le 27 septembre 2016 à 20h31

Il n'avait pas besoin de ça. Voilà de nouveau le nom du candidat Sarkozy mêlé à plusieurs affaires. Et cela tombe particulièrement mal, au plus fort de la campagne pour la primaire à droite des 20 et 27 novembre, alors que les derniers sondages n'enregistrent au mieux qu'une timide progression (Ipsos), voire une baisse de l'ancien chef de l'Etat, qui reste de quatre à six points derrière Alain Juppé (Ifop et Sofres). Dans tous les cas, on reste très en deçà de l'effet de souffle - le «blast» - que sa tonitruante entrée en campagne était censée provoquer cet été.

Cette semaine, chaque jour charrie son lot de soupçons ou de révélations sur la face cachée du quinquennat ou sur les financements des campagnes de 2007 et de 2012. Les sarkozystes ne manqueront pas d'y voir de nouvelles manœuvres de ses adversaires qui, incapables de s'imposer politiquement, chercheraient à bloquer l'ex-président. Loin de l'affaiblir, toutes ces «manipulations» ne feront, assurent-ils, que renforcer sa détermination.

Lundi, premier désagrément, l'un des très proches de Sarkozy, l'ex-patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, est placé en garde à vue dans le cadre d'une information judiciaire ouverte pour «violation du secret de l'instruction». Mardi, Mediapart révèle l'existence d'un «petit carnet» dans lequel un ancien dignitaire du régime Kadhafi fait état de versements de 6,5 millions d'euros pour le financement de la campagne de 2007.

Déferlante

Ce mercredi soir, plus de 5 millions de téléspectateurs du journal de France 2 entendront l'ancien conseiller occulte Patrick Buisson qui, dans un livre dont l'Express publie cette semaine les bonnes feuilles, décrit son ancien patron comme un «trader de la politique» qui aura passé l'essentiel de son quinquennat dans un «jubilé permanent de sa propre personne».

Last but not least, cette série noire se poursuivra jeudi, toujours sur France 2, avec l'émission Envoyé spécial qui reviendra en détail sur l'explosion des dépenses de campagne du candidat Sarkozy en 2012. Franck Attal, ex-patron de la filiale de Bygmalion chargée d'organiser les meetings, expliquera comment il a été «obligé» d'adresser près de 20 millions d'euros de fausses factures à l'UMP pour masquer le dépassement du plafond de dépenses autorisées.

Dans l'entourage de Sarkozy, on se gardait bien, mardi, de commenter publiquement cette déferlante - à laquelle il convient d'ajouter sa mise en examen pour trafic d'influence dans l'affaire dite «des écoutes». Sous couvert d'anonymat, un conseiller soutient, avec une pointe de cynisme, que «tout cela contribue à faire de l'ancien président de la République le candidat de l'anti-système». Ironie de l'histoire, cette rhétorique est directement inspirée des enseignements délivrés par Patrick Buisson, théoricien d'une campagne «au peuple», centrée sur la célébration des frontières et de l'identité nationale. NKM a résumé d'une phrase cette stratégie mise en œuvre sans succès en 2012 : «Pour Buisson, il s'agissait de faire triompher Maurras plutôt que Sarkozy.»

«Noisette»

Que Nicolas Sarkozy ne soit pas Charles Maurras, Buisson est le premier à le regretter. Dans la Cause du peuple, à paraître jeudi, il fait de celui qu'il a servi pendant près d'une décennie un portrait dévastateur - et assez crédible - d'un homme débordé par «ses passions, ses désordres, ses coupables faiblesses pour l'air du temps», «un faux dur submergé par un état permanent de dépendances affectives». On est très loin de l'image de l'homme d'Etat débordant d'énergie que l'ex-président veut donner de lui-même. Buisson regrette que l'homme qu'il a conseillé comprenne la politique comme «une opération de séduction». Loin d'être l'incarnation du volontarisme, le sarkozysme ne serait qu'«un moteur à deux temps fonctionnant au mélange d'un discours dur et d'une pratique molle». En termes à peine moins durs, la même critique est formulée par Jean-François Copé et par François Fillon. Sous la plume de Buisson, ce dernier découvrira que l'ex-président le traitait, à l'occasion, de «pauvre type». Le fidèle Estrosi, «cet abruti qui a une noisette dans la tête», n'est guère mieux traité.

Mais c'est à son prédécesseur Jacques Chirac, si l'on en croit Buisson, que le Sarkozy réservait ses piques les plus assassines : «Chirac aura été le plus détestable de tous les présidents de la Ve. Franchement, je n'ai jamais vu un type aussi corrompu.» Ces propos seront nécessairement démentis. A moins que, scénario apocalyptique, Buisson ne soit en mesure d'en produire la preuve. En 2014, il a été condamné pour avoir enregistré à son insu l'ex-président.