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Libération
Éditorial

Primaire LR : l’électeur de gauche, bouc émissaire des sarkozystes

publié le 29 septembre 2016 à 20h21

Attention, des gens de gauche pourraient saboter la primaire de la droite ! Cette plainte monte et se propage à mesure que l'avenir s'assombrit pour Sarkozy. Effaré par les sondages qui s'obstinent à donner leur champion battu à plate couture au second tour par Juppé, les amis de l'ancien chef de l'Etat commencent à perdre leurs nerfs. L'un des plus ardents d'entre eux, le porte-parole du parti Les Républicains, Guillaume Peltier, a lancé une pétition au titre sans équivoque : «Non au vol de la primaire de la droite par la gauche.» Se fondant sur les témoignages d'ex-électeurs du PS déterminés à voter Juppé pour faire barrage à Sarkozy, Peltier dénonce «un véritable coup d'Etat socialiste».

Curieusement, le même Peltier ne s'émeut guère de la probable participation d'un nombre significatif d'ex-électeurs du FN séduit par les gauloiseries ou par la chasse au burkini. Si Sarkozy ne se cache pas de vouloir parler aux électeurs de Le Pen, le maire de Bordeaux ouvre largement les bras «aux déçus de François Hollande». Mais accuser le PS de dénaturer la primaire LR en favorisant Juppé est absurde. L'intérêt bien compris des socialistes serait, au contraire, la défaite du maire de Bordeaux. Hollande ne ménage d'ailleurs pas ses efforts pour assurer la promotion de son rival préféré.

Jusqu'à ces derniers jours, Sarkozy disait ne pas croire au «fantasme» d'une mobilisation de gauche dans la primaire LR. Mais rattrapé par le vent de panique, il y est allé, jeudi soir à Chantilly, de son couplet sur un possible hold-up : «Je ne laisserai personne vous laisser voler votre primaire», a-t-il promis aux militants. Pour les vrais sarkozystes, cette compétition est une mise en cause contre-nature de leur leader charismatique. Si les sondages restent mauvais, leurs critiques pourraient tourner à la fronde.

Interdire cette «primaire de l'alternance» aux électeurs de gauche ? C'est évidemment impossible. Et grotesque. Car, comme le fait remarquer le député LR Thierry Solère, organisateur du scrutin des 20 et 27 novembre, «si on veut que tous les électeurs de 2017 votent comme en 2012, Hollande sera réélu». En toute logique, ceux qui répètent matin, midi et soir que ce quinquennat fut une calamité devrait se réjouir que d'anciens électeurs de Hollande se sentent concernés par une primaire qui désignera probablement le futur président de la République. «La France est de droite et de gauche. Nous partageons les mêmes valeurs républicaines au fronton de nos mairies», explique au Monde Nathalie Kosciusko-Morizet, manifestement soucieuse de désinhiber l'électeur de gauche. Le 20 novembre, ce dernier devra en effet déclarer, avant de voter : «Je partage les valeurs républicaines de la droite et du centre.»NKM suggère malicieusement que cette déclaration peut, de bonne foi, être signée par beaucoup de monde.