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Libération
Décryptage

Juppé livre son plan de bataille s'il remporte 2017

Dans une interview au «JDD» le candidat, s'il gagne la primaire, annonce qu'il détaillera, cent jours avant la présidentielle, le déroulé précis de ses réformes, «pour que les Français votent en connaissance de cause».
Alain Juppé, le 29 septembre, à Villeurbanne. (Photo Jean-Philippe Ksiazek. AFP)
publié le 2 octobre 2016 à 10h53

Alain Juppé semble décidément plus attiré par l'exercice du pouvoir que par sa conquête. Celui qui mène une campagne un peu pépère, loin des projecteurs rivés sur le batteur d'estrade qu'est Nicolas Sarkozy, détaille, dans une interview au JDD, sa méthode pour réformer, s'il est élu à l'Elysée en mai prochain.

Et le maire de Bordeaux a tout planifié ou presque. Mesures prioritaires, projets de loi ou ordonnances, calendrier. «Je veux absolument […] dire avant l'élection ce que j'ai l'intention de faire de façon précise pour que les Français votent en connaissance de cause», annonce le candidat à la primaire de la droite. Il en est convaincu, c'est ce flou qui a plombé François Hollande et, notamment, généré de virulents blocages sur sa loi travail : «Il n'avait jamais dit en 2012 qu'il voulait réformer le Code du travail, il voulait "terrasser la finance internationale", qui, d'ailleurs, se porte très bien», ironise-t-il.

S'il franchit l'étape de la primaire de novembre, Juppé prévoit donc de dévoiler, cent jours avant l'élection présidentielle, son plan de bataille. Outre une «loi de programmation fiscale», certaines réformes passeront par des projets de loi, d'autres via une loi d'habilitation autorisant le gouvernement à prendre des ordonnances, cinq ou six, «sur des sujets essentiels».

Parmi ses priorités : relance de l'apprentissage, simplification des normes administratives, suppression du compte pénibilité pour un mécanisme «moins complexe», «zéro charges» pour le Smic, baisse de l'impôt sur les sociétés, réforme du contrat de travail, etc. «Il faut être prêt à agir vite.» Ses équipes, révèle-t-il, travaillent déjà à l'élaboration des textes qui «seront rendus publics avant l'élection». Son credo : «on ne regrettera jamais de s'être préparés trop tôt.»

«C’est ma tisane, ça !»

En présentant la douloureuse aux Français le plus tôt possible, le Premier ministre des grandes grèves de 1995 espère ainsi s'épargner des manifestations dans la rue, une fois au pouvoir. Car Juppé, le sait, certaines mesures envisagées seront «difficiles à faire admettre», c'est un euphémisme. Entre autres, le passage progressif de l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans, la suppression de l'impôt sur la fortune ou l'allongement du temps de travail à 39 heures. Et on n'a pas fini de grincer dans les rangs syndicaux. Le candidat propose aussi de limiter à deux le nombre de mandats syndicaux et de réduire la durée des activités syndicales. «C'est ma tisane, ça !», raille Juppé. Allusion à la pique adressée par François Fillon, qui jugeait que le projet de son concurrent laissait un goût un rien fade.

Le maire de Bordeaux balaie le procès en immobilisme que lui intente l'ancien Premier ministre – une stratégie «qui n'est pas particulièrement couronnée de succès pour l'instant», moque-t-il – mais aussi ses autres concurrents : «Selon les jours je suis centriste, mou, libéral, dur… Ça prouve que je suis sur le bon chemin.»

L'édile bordelais, au passage, n'oublie pas de rendre la monnaie de sa pièce à Nicolas Sarkozy. Son principal rival agitait, mercredi à Chantilly, le fantasme d'un «vol» de la primaire par des électeurs de gauche qui logiquement lui préféreraient Juppé: «Quand on cherche à se faire élire par les voix de gauche, on se prépare à mener une politique qui donnera des gages à la gauche.» «Quand on cherche à se faire élire par les voix du FN, on risque de mener une politique inspirée des thèses du FN», riposte le favori des sondages.

S'il remporte l'élection suprême, Juppé souhaiterait encore éviter le turn-over au sein de son gouvernement, en nommant des ministres - en meeting à Villeurbanne jeudi, il avait évoqué le chiffre de dix ou douze -, sur toute la durée du quinquennat. Et ce pour leur permettre d'«agir sur le long terme et de diriger véritablement leur administration». Quant au futur locataire de Matignon, Juppé voit une «bonne dizaine» de premier ministrables : «Soyez imaginatifs ! Et pourquoi pas une femme ?» C'est dire !

Mais le candidat se garde bien d'avancer un nom. Une fois n'est pas coutume, il semble se laisser, sur ce point-là, une marge d'improvisation: «Nous ne sommes pas encore à l'élection présidentielle. Bien entendu, la configuration du second tour sera lourde de conséquences.» En cas de duel face à Marine Le Pen, il sera largement temps de s'adresser aux électeurs de gauche contraints de voter à droite, non pas par adhésion au projet, mais pour faire barrage au Front national.