Les centristes cultivent le temps de la décantation. Au point d'attendre les deux derniers jours avant le grand débat entre les qualifiés de la primaire de la droite pour rendre publics leurs soutiens. Histoire de bien identifier le favori en tête dans une des avant-dernières lignes droites du grand prix de l'Elysée. Et surtout de ne pas se tromper sur le futur vainqueur.
Sans surprise donc, la direction du Parti radical valoisien conduite par Laurent Hénart va se prononcer, ce mercredi, pour un appel au vote de ses adhérents et sympathisants en faveur d'Alain Juppé. «Dans une proportion d'un peu plus des deux tiers», pronostique un fin connaisseur des arcanes du plus vieux parti politique de France et une des plus importantes composantes de l'UDI. Dans une tribune au Monde, Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI et député maire de Drancy, a lui dévoilé une liste de 600 élus centristes supporteurs de l'ancien Premier ministre. Un appel qui lui permet de contourner un vote formel de ses instances sur ce choix. «Ce n'est pas tout à fait vrai», nuance un de ses soutiens. «Il a fait un tour de France et a vu que la plupart des fédérations penchaient en faveur d'Alain Juppé», détaille un des permanents de la petite formation centriste. «Il savait très bien que ce débat risquait d'étaler au grand jour toutes les dissensions au sein de l'UDI et il a voulu l'éviter», reconnaît Didier Bariani, ancien président du Parti radical, conseiller régional d'Ile-de-France et cadre de l'UDI. D'ou le choix d'une tribune et d'une liste d'élus centristes qui s'engagent à titre personnel en faveur de l'ancien Premier ministre. L'UDI ne prendra pas position en tant que formation politique afin de ne froisser personne.
Difficile synthèse
Ancien maire du XXe arrondissement de Paris, Bariani, radical au réseau long comme le bras, a été chargé de battre le rappel de tous les élus susceptibles de signer pour Juppé. Et, en tant que vieux sage, d'user de diplomatie pour aplanir les nuances entres les membres d'une famille centriste qui n'a pas été aussi unie, comme elle l'est derrière Alain Juppé, depuis longtemps… A défaut d'avoir son propre compétiteur dans cette élection. «J'ai moi même lancé mon appel en faveur d'Alain Juppé il y a deux semaines, je ne vais pas signer un appel supplémentaire», explique Philippe Vigier, le patron des députés UDI. La tournure prise par la campagne de Nicolas Sarkozy les a décidé ces dernières semaines à accélérer leur choix.
Jean-Christophe Lagarde aurait eu quelque mal à faire une synthèse entre Yves Jégo, son numéro deux à la direction de l'UDI et supporter de Bruno Le Maire, Hervé Morin, président du Nouveau Centre lui aussi favorable à la candidature de Le Maire, Normand comme lui, et un paquet de ses députés et sénateurs, en faveur d'Alain Juppé. Surtout après ses appels du pied répétés à l'égard d'Emmanuel Macron, l'ancien ministre de l'Economie de François Hollande. «Trop vite, trop prématuré», critique un élu radical. «De toute façon aujourd'hui quoique dira ou fera Lagarde, on lui tombera dessus», se lamente un de ses proches.
Après avoir poussé sa formation, lors de son dernier congrès, à ne pas participer à cette primaire sous prétexte qu'elle ne concernait que la droite, puis courtisé Macron, il rentre à nouveau dans le jeu de cette élection organisée par le parti Les Républicains avec l'appel qui sera dévoilé jeudi. «Nous n'avons pas à arbitrer dans un débat qui ne nous concerne pas», se hérisse Thierry Cornillet, ancien président des radicaux valoisiens, partisan d'une ligne «à la suisse» qu'il compte bien défendre devant les instances dirigeantes des radicaux valoisiens. «Sinon pourquoi ne pas aussi bien soutenir Macron», ironise-t-il, en se moquant «de ceux qui passent leur temps à dire une chose et son contraire». «Gagner la présidentielle pour Juppé, s'il gagne la primaire, ce ne sera pas forcément le plus difficile. Par contre le miracle serait qu'il parvienne à construire une majorité d'idées avec le centre vu sa désunion», se désespère un député UDI.