«C'est son moment.» Ancien ministre et successeur de Nicolas Sarkozy à la présidence du conseil départemental des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian se déclare, ce mercredi, en faveur d'Alain Juppé. Publiée par l'Opinion, sa lettre de soutien est un implacable réquisitoire contre l'ancien chef de l'Etat dont il fut, jusqu'en 2007, l'un des principaux compagnons de route.
Contre le «nouveau nationalisme»
Pour Devedjian, le maire de Bordeaux est celui dont «l'autorité naturelle et la détermination pondérée» rendent possible le «rassemblement». Le «jeune technocrate rempli de certitudes», ce «meilleur d'en nous» que les Français ont découvert il y a près de trente ans dans l'ombre de Jacques Chirac, se serait selon lui «bonifié». D'abord grâce à «son expérience réussie» de maire, mais aussi grâce aux épreuves et aux «souffrances» que lui a coûtées «sa loyauté», ajoute le patron des Hauts-de-Seine dans une allusion à la condamnation de l'ancien secrétaire général du Rassemblement pour la République (RPR) dans l'affaire des emplois fictifs rémunérés par la ville de Paris sous le règne de Chirac. Septuagénaire, comme Juppé, Devedjian convoque Brassens – «le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est con, on est con» – pour ironiser sur «le jeunisme» ambiant.
Avec Juppé, Devedjian estime avoir fait le choix des «valeurs des Lumières», du «respect sacré de la sphère individuelle» et de «la compréhension de la mondialisation». Autant dire, dans son esprit, le contraire de Sarkozy. Sans jamais citer l'ancien chef de l'Etat, il explique n'avoir pas voulu suivre les apôtres d'un «nouveau nationalisme qui repose sur l'appel à l'identité, l'obsession sécuritaire et l'étatisme invasif». Au «guide charismatique» porté par «de prétendues forces telluriques», il préfère celui qui accompagne «les mutations que le monde est en train de vivre, alors que la France se replie sur elle-même».
Pour la «nationalité civique»
Juriste respecté et candidat malheureux au poste de garde des Sceaux en 2007 (confié, à la surprise générale à Rachida Dati), l'ex-avocat Devedjian proclame qu'il ne veut pas d'une France qui voudrait «dénoncer la convention européenne des droits de l'homme» en se prononçant, par référendum, pour la suspension du regroupement familial. Il ne veut pas non plus d'une France «irresponsable» qui prétendrait «affronter toute seule les difficultés du monde» et céderait à «la tentation du "Frexit"». Et encore moins d'une France qui «ressuscite la loi des suspects» en permettant, comme le propose le deuxième référendum de Sarkozy, l'incarcération préventive, «sans jugement» de suspects considérés comme dangereux.
Fils d'un arménien qui a fui le génocide turc, il estime que l'identité est son «affaire personnelle». «Je me débrouille tant bien que mal avec mon sang-mêlé», ironise Devedjian qui renvoie sèchement Sarkozy à ses Gaulois. A la «nationalité mythique» célébrée par les identitaires de toutes obédiences, il oppose une «nationalité civique, fondée sur l'adhésion, le droit et la culture».