L'identité heureuse est un concept qui s'exporte. Sans prononcer son mantra de campagne, Alain Juppé l'a décliné pour présenter sa vision des enjeux diplomatiques. Devant un parterre d'ambassadeurs réunis à l'invitation de l'Institut Montaigne, le candidat à la primaire de la droite, a dressé un tableau noir de la place de la France dans le monde : «Une image dégradée, une voix affaiblie. Notre dette devient une menace pour notre souveraineté, notre outil diplomatique est appauvri, notre influence a reculé.» N'en jetez plus.
Juppé refuse toutefois de céder au pessimisme : «Certains agitent le spectre d'une nouvelle guerre froide, brandissent la menace d'une guerre de civilisation, sont tentés par le repli. […] Je ne me résignerai jamais à une France recroquevillée, craintive à la traîne.» En «disciple du Général de Gaulle», lui se fait fort de «rendre à la France son statut de puissance internationale», et de la «faire rayonner dans le monde de demain». L'ancien locataire du Quai d'Orsay (de 1993 à 1995 sous Chirac et en 2011 et 2012 sous Sarkozy) a balayé les dossiers, à l'aise. Ses positions sur cinq points clés.
«La lutte contre le terrorisme sera ma priorité.» S'il est élu en mai, Juppé, qui veut ériger «la sécurité de la nation» en premier combat, promet un «plan international contre le terrorisme». Ce qui passe par «une coopération de nos moyens de renseignement et de police beaucoup plus ambitieuse».
«Les bombardements russes doivent cesser». «Ni poutinophobe, ni poutinolâtre», Juppé a affiché sa fermeté face à Moscou dans le dossier syrien. S'il n'a pas réaffirmé, comme il l'avait dit le 6 octobre dans «L'Emission politique» de France 2, que l'attaque d'Alep était un «génocide», il a tout de même invité la Russie à «réfléchir sérieusement à une solution politique» et averti : «Attendre encore et bombarder toujours, c'est se rendre complice de crimes de guerre.» Dans le dossier ukrainien, il a de nouveau plaidé pour «le respect des accords de Minsk».
«Il faut un congrès des consciences européennes». Pour résoudre «la crise existentielle grave» que traverse l'UE, Juppé propose de lancer une «réflexion sur l'identité et l'avenir de l'Europe» avec des représentants de la société civile, jeunes, intellectuels, artistes, etc. Il espère aussi rouvrir aussi le chantier, aujourd'hui au point mort, «de l'Europe de la défense».
«La Grande-Bretagne doit aller au bout de la logique du Brexit». Pas question de rester «un pied dehors, un pied dedans». Puisque à l'issue du référendum de juin dernier, «la Grande-Bretagne a choisi de sortir, elle doit» quitter l'UE sans traîner. Mais Juppé exclut d'exporter l'idée d'une telle consultation sur l'Europe, qui serait «un simulacre de démocratie irresponsable tant que nous n'avons pas un projet» pour relancer l'UE.
«Je ne souhaite pas que les Etats Unis fassent le choix du repli isolationniste». Avec cette mise en garde et sans exprimer explicitement un choix («ouf, je ne vote pas!»), Juppé a laissé entendre sa préférence pour l'élection américaine du 8 novembre. Sans surprise, il a vanté les qualités d'Hillary Clinton, «une femme courageuse qui a du caractère» et avec laquelle il a travaillé lors du précédent quinquennat : tous deux étaient alors en charge des Affaires étrangères.