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Libération
Primaire à droite

En visite à Marseille, Juppé marque son territoire avant de le laisser à Sarkozy

Fillon, candidat de la droite en 2017dossier
Le favori de la primaire de la droite s'est rendu dans la cité phocéenne, où il a notamment pris le temps de visiter un quartier «difficile» avant de se délocaliser à Toulon, afin de ne pas croiser l'ex-président.
Alain Juppé dans cité de la Busserine (Marseille), jeudi. (Olivier Monge. Myop)
par Stéphanie Harounyan, à Marseille
publié le 27 octobre 2016 à 19h22

Une cannette de soda s'écrase au sol, un peu trop près d'un élu. Ce sera le seul «incident» à déplorer durant la visite d'Alain Juppé à la cité de la Busserine, dans le XIVarrondissement de Marseille. En cette fin de matinée, sous un cagnard bienvenu, quelques habitants ont brandi leurs portables : le candidat à la primaire du parti Les Républicains n'est pas encore arrivé mais les journalistes, nombreux et bruyants, battent déjà le bitume au pied des tours. Quelques élus locaux ont aussi fait le déplacement. Alors que la plupart des ténors marseillais – le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, en tête – ont affiché leur soutien à Nicolas Sarkozy, dans le camp local de Juppé, on se compte un peu. Il y a Arlette Fructus, présidente de la section UDI des Bouches-du-Rhône. Et Christian Kert, député LR du département et seul parlementaire sudiste de l'étape.

«C’est idiot de se faire écho dans la même ville»

Les autres ont préféré attendre l'arrivée, en fin d'après-midi, de Nicolas Sarkozy dans le centre-ville marseillais, où il doit tenir une réunion publique. Le genre de «hasard» des calendriers qui fait grincer les dents d'Arlette Fructus, même si elle ne veut pas polémiquer : «On avait l'antériorité de la venue à Marseille, assure-t-elle. La visite était programmée depuis longtemps, avec un meeting conclusif. Mais comme c'est idiot de se faire écho dans la même ville, pour éviter tout dérapage, on a accepté la proposition d'Hubert Falco qui nous a invités à Toulon.»

Avant de se replier dans le Var, la team Juppé a tout de même tenu à marquer le territoire marseillais. Son concurrent ne s'attarde que pour un rendez-vous à huis clos avec la police ? Lui passe la matinée dans un quartier difficile, coincé entre une rénovation urbaine qui piétine, un chômage envahissant et une délinquance soutenue. «On a l'habitude de ces visites, souffle une habitante. Pour nous redonner confiance, il faut être sur le terrain. Aujourd'hui, on regarde surtout les personnes. Juppé, pourquoi pas ?»

Les caméras s'agitent dans son dos, un cortège de voitures s'avance dans la cité. Alain Juppé arrive enfin, accompagné pour l'occasion de Jean-Pierre Raffarin. «Laissez-le respirer un peu !» lance un homme aux journalistes qui s'amassent autour du candidat. Le contact avec les habitants s'annonce difficile. En vieil habitué de l'exercice, le maire de Bordeaux parvient tout de même à approcher un gamin qui traîne sur sa route. Quelques mots, et la nuée repart. «Il m'a demandé en quelle classe j'étais», raconte l'adolescent. A ses côtés, Ilyes, 21 ans, trouve que c'est déjà bien d'avoir dit bonjour à tout le monde. «Je travaille, je n'ai pas trop le temps de m'intéresser à la politique, confesse-t-il. Alain Juppé, je viens de le connaître à l'instant. Mais je préfère que lui vienne plutôt que Sarkozy. En tant que président, il n'a pas fait grand-chose. Hollande non plus… Juppé, il m'a l'air plus serein.»

«Vous êtes là pour nous écouter, mais ça fait trente ans que nous parlons»

De l'autre côté de la route, la troupe profite de la présence du commissariat de police pour faire une halte. «C'est l'occasion de vous redire tout mon soutien», entame le candidat, avant de poser quelques questions d'usage sur le quartier. «Y a pas de zone de non-droit à Marseille, lui répond une policière. Mais selon les coins, on se fait parfois caillasser. Les effectifs sont habitués à ce genre de situation.» «Je suis venu ici pour prendre mieux conscience de ce qui se passe sur le terrain, dans ces quartiers que l'on présente souvent comme des zones de violences, reprend-il à sa sortie du commissariat. Ma première impression, c'est qu'il y a des difficultés mais que ça s'améliore peut-être.»

Un peu plus loin, dans un café où les équipes locales ont réuni des responsables d'associations, Alain Juppé prend le temps de se poser un peu, «pour écouter». «Vous dites que vous êtes là pour nous écouter, mais ça fait trente ans que nous parlons, lui lance un homme. Ce que nous attendons, c'est que vous nous disiez votre programme pour les quartiers difficiles. Parce que tout le monde sait que ça ne va pas dans les quartiers !» Le chômage, l'identité, l'avenir des jeunes… La salle questionne, le candidat prend des notes, avant de se lancer. «Il y a deux priorités pour moi : la sécurité et l'emploi, résume-t-il. Il faut agir sur toute la chaîne.»

«Bac à sable»

Il est midi, la virée de quartier est déjà terminée, rendez-vous est donné dans un restaurant de la Joliette pour un déjeuner en compagnie des élus. Hervé Mariton, fraîchement rallié au clan Juppé après son éviction des primaires, a rejoint l'équipe directement sur place. «Je suis engagé à fond dans la campagne, explique-t-il. Et quand je fais les choses, je ne les fais pas à moitié.» Il suivra ensuite son poulain à Toulon pour son meeting du soir, laissant la place marseillaise à l'adversaire Sarkozy.

«Dans une ville aussi grande que Marseille, la probabilité que deux responsables politiques se retrouvent au même endroit est importante», évacue l'ex-candidat dans un sourire railleur. Alain Juppé, lui, a décidé de ne pas commenter cette concordance de planning, malgré les nombreux assauts des journalistes. «On ne peut pas vouloir se présenter à la présidentielle et jouer dans un bac à sable», traduira pour lui un de ses soutiens.