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Libération
Analyse

Au FN, le Rassemblement bleu Marine prend l'eau

Seul parti allié au Front national, le Siel devrait annoncer d'ici samedi son retrait du RBM. Confirmant l'échec d'une structure censée désenclaver l'organisation d'extrême droite.
Karim Ouchikh, le président du Siel, à Paris le 7 novembre 2015. (Photo Bertrand Guay. AFP)
publié le 1er novembre 2016 à 17h54

«Le Front national n'a pas d'alliés» : sévère mais juste, ce constat admettait jusqu'à présent une légère nuance. Le parti de Marine Le Pen pouvait en effet compter sur le soutien de Souveraineté, identité et libertés (Siel), un petit mouvement libéral et identitaire, membre du Rassemblement bleu Marine (RBM). Selon toute vraisemblance, cet attelage ne devrait pas passer le week-end : dans un entretien à l'hebdomadaire Minute, à paraître mercredi, le président du Siel, Karim Ouchikh, se livre à une virulente critique du FN, évoquant des «désaccords idéologiques», une «stratégie d'enfermement électoral» et un «rapport indigent à la politique, qui se réduirait au seul clivage mondialiste/patriote». Réuni samedi, le comité directeur du Siel devrait officialiser le divorce entre les deux mouvements.

«Mon état d'esprit est plutôt de quitter le RBM, confirme Karim Ouchikh à Libération. Le bilan de cette expérience de quatre ans est tout sauf positif. Le but du Siel était d'élargir à droite la base de Marine Le Pen, mais cette perspective s'éloigne de plus en plus, et je préfère en tirer les conséquences.» L'homme assure tout de même maintenir son soutien à Marine Le Pen pour la présidentielle de 2017, mais entend désormais se tourner vers la «droite hors les murs», cette nébuleuse radicale aux confins de LR et du FN.

 Désintérêt et caporalisme

Autant le dire tout de suite : la séparation ne bouleverserait pas la donne pour le FN. Le parti d'extrême droite devrait survivre au départ du Siel, avec ses 2 000 adhérents revendiqués, sa poignée d'élus locaux et son président inconnu du grand public. Mais ce probable retrait signerait l'avis de décès du Rassemblement bleu Marine, ou du moins de la mission d'abord confiée à cette structure. Lancée en 2011, celle-ci était en effet censée manifester l'ouverture du FN en regroupant des personnalités et mouvements souverainistes de tous horizons. Son secrétaire général, Gilbert Collard, promettait d'en faire un «lieu d'expression, où l'on puisse […] parler librement, voire ne pas être d'accord». La suite des événements n'aura pas eu grand-chose à voir avec ce beau projet.

Entre désintérêt et caporalisme, le FN n'a jamais semblé prendre au sérieux sa promesse initiale. «Il n'y a au sein du RBM aucune réunion, aucun échange, déplore Karim Ouchikh. C'est extrêmement éprouvant et frustrant. Au fond, le FN ne veut pas d'alliés, il ne veut que des ralliés.» Quant au Siel, d'abord censé séduire la droite souverainiste, il a progressivement dérivé vers l'extrême droite, défendant des thèses fort peu «dédiabolisatrices». Soulignant «l'incompatibilité de l'islam avec la République», le parti compte dans ses rangs Renaud Camus, père de l'expression «grand remplacement». Non content d'exiger l'arrêt de l'immigration, il prône en outre la «remigration», soit le retour au pays de tout ou partie des immigrés, voire de leurs descendants. En début d'année, Marine Le Pen avait déjà proscrit la double appartenance FN-Siel.

Silence ou retrait

En cas de départ du Siel, le RBM se résumerait pour l'essentiel aux «collectifs», des cercles de réflexion thématiques tenus, pour la plupart, par des proches de Florian Philippot. Comme un symbole des très étroites limites dans lesquelles le Front national veut contenir ses débats internes, et dont témoignait déjà la récente mise à pied d'un jeune cadre coupable de dérive libérale. Pour la tendance «droitière» du FN, le choix semble plus que jamais entre le silence ou le retrait. Avec le risque, pour les tenants de cette sensibilité, de finir plus nombreux à l'extérieur qu'à l'intérieur du parti. Ce qui n'est pas un petit enjeu, à un an du prochain congrès frontiste.