Deuxième round. Alors que les derniers sondages font toujours d'Alain Juppé le favori de la primaire de la droite et du centre qui se tiendra à la fin du mois (20 et 27 novembre), c'est une nouvelle fois Nicolas Sarkozy qui a été au centre des débats - et surtout des attaques - lors du deuxième débat rassemblant jeudi soir salle Wagram les sept candidats devant les caméras de BFMTV et iTélé. Seul Juppé a concentré l'essentiel de ses flèches à François Hollande. Au final, près de trois heures d'un échange souvent animé, parfois tendu et même teinté d'animosité, mais plutôt bien mené. On imagine quand même mal qu'il puisse faire significativement bouger les lignes et la hiérarchie des sondages. On regrettera simplement que la question de l'éducation, dont chacun a convenu combien elle est centrale, n'ait été abordée qu'en toute fin d'émission, à 23 heures, une fois les temps de paroles sous contrainte. Alain Juppé a d'ailleurs fait part de sa frustration de ne disposer que d'une minute pour répondre. Autre regret: l'absence de question à Nicolas Sarkozy sur les soupçons croissants concernant un financement libyen de sa campagne présidentielle en 2007, a fortiori alors que le Monde a fait le jour-même sa une sur le sujet.
Dès le début de l'émission, histoire de mettre de l'ambiance, chacun de ses anciens ministres (autrement dit tout le monde à part Jean-François Copé et Jean-Frédéric Poisson) a, comme lors du premier débat, été invité à justifier le choix de candidater face à Nicolas Sarkozy. Un droit que l'ancien chef de l'Etat leur a reconnu tout en multipliant, comme d'habitude, les piques sur le fait qu'ils étaient bien contents d'être au gouvernement et qu'ils auraient rempilé si François Hollande ne l'avait emporté en 2012. Pour qualifier sa démarche présidentielle, Bruno Le Maire a mis en avant l'«honnêteté», Alain Juppé et François Fillon la «dignité». Nicolas Sarkozy a, lui, revendiqué «l'autorité de la décision».
Direct du droit
Abordant la question de la pratique du pouvoir, Bruno Le Maire a interpellé Nicolas Sarkozy et Alain Juppé en laissant entendre que si l’un comme l’autre, après avoir été défaits dans les urnes, avaient respecté leur engagement de quitter la vie politique, pour le premier, ou de se consacrer à sa ville, pour le second, ils seraient moins nombreux ce soir et le renouveau plus évident. L’occasion d’un premier direct du droit de l’ancien chef de l’Etat, souvent pugnace et même parfois agressif, tendance mépris. Vis-à-vis de Le Maire et de NKM en premier lieu. Sur le fond, au-delà d’un long débat un peu stérile sur le mandat unique - auquel Juppé s’est de nouveau engagé, rejoint depuis peu par Sarkozy - chacun a défendu son crédo: recours aux ordonnances pour Copé ou aux référendums pour Sarkozy, contrat de mandature transparent et mis sur la table avant la victoire pour Juppé. NKM a, elle, proposé, la création d’une assemblée du peuple quand Bruno Le Maire a redit qu’il rendrait compte de son action chaque année devant le Congrès.
Concernant la lutte contre l'Etat islamique et les jihadistes sur le territoire national, rien de nouveau à droite si ce n'est une petite foire d'empoigne sur la baisse par la droite du nombre de policiers de 2007 à 2012. Chacun parmi les principaux candidats a surtout réaffirmé sa conception de la «justice d'exception», Nicolas Sarkozy restant le plus radical dans les mots («les barbares […] dehors») comme dans les propositions, avec la création d'une rétention administrative à la discrétion du ministre de l'Intérieur pour des personnes signalées par les services spécialisés. François Fillon a, lui, affirmé au moment d'évoquer la déchéance de nationalité que créer «quelques dizaines d'apatrides ne l'empêchera pas de dormir», tandis que Bruno Le Maire a défendu le recours à des «interpellations préventives» pour de la non-dénonciation d'activité terroriste synonyme de complicité. Copé a pour sa part réclamé «des Trévidic à tous les étages» d'une «justice spécialisée».
Un clivage fort est en revanche intervenu quand fut abordée la question des relations de la France avec le Qatar et l'Arabie saoudite. Alors que Bruno Le Maire et NKM sont montés au créneau pour mettre en difficulté leurs aînés Juppé et Sarkozy - qui conduisaient dans le précédent quinquennat la politique étrangère de la France - ils ont été renvoyés sèchement à leurs cours de diplomatie sur le mode «évidemment qu'il faut parler avec tout le monde». Notamment Ryad, Moscou et Téhéran selon Sarkozy, Juppé et Fillon. Le Maire a, lui, particulièrement trébuché sur le dossier libyen en affirmant à tort que la France y avait engagé des troupes au sol - erreur que l'ancien ministre des Affaires étrangères et de la Défense lui a renvoyé dans les dents.