Yannick Jadot a gagné la primaire de son parti avec 54,25 % des suffrages. Il est officiellement candidat à la présidentielle. Un large succès pour l’ancien de Greenpeace. Sa concurrente, Michèle Rivasi, qui a créé la surprise lors du premier tour, obtient 40,75 % des suffrages. Les votes blancs représentent, eux, 3,66 % des voix exprimées.
Pour Yannick Jadot, cette désignation tombe après des années de militantisme et deux mandats de député européen. Une sorte de revanche : celle du mec qui est resté à l'ombre contre son gré. Aujourd'hui, c'est le début de sa nouvelle histoire, celle du mec qui postule à l'Elysée. Mais le tout avec une touche de lucidité. «Je vais vous dire le fond de ma pensée : je ne crois pas qu'il y aura un président écologiste en 2017, je pense que si nous voulons reconquérir l'électorat, c'est par la crédibilité de notre discours, la crédibilité de nos solutions, sur le climat, sur la démocratie, sur les inégalités», a-t-il déclaré lors tout au long de la campagne.
«Le sentiment de s’être fait entuber»
L’eurodéputé est arrivé en politique à pas de loup : en 2002, il participe à la campagne présidentielle de Noël Mamère. Il enfile, dans la foulée, le costume de directeur des campagnes de Greenpeace France (2002-2008). Son premier mandat arrive en 2009 : il est élu au Parlement européen sous le regard de son mentor, Dany Cohn-Bendit. Une montée en douceur. Puis, la lumière s’éteint. Yannick Jadot turbine au Parlement mais peine à se faire un nom. Il ne trouve pas sa place chez EE-LV. Et pour cause, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé, tauliers du parti, ne le portent pas dans leur cœur.
Le coup de marteau tombe en 2012. François Hollande est élu et les écolos sont invités à participer au gouvernement. Yannick Jadot prépare son cartable et surveille les nominations : son nom est en haut de la liste. Mais Cécile Duflot – qui négocie en direct avec le nouveau président – l'écarte. Pascal Canfin est nommé ministre délégué à la Coopération et Jadot se prend un vent. Dany Cohn-Bendit décroche son téléphone et fait jouer son réseau. En vain. Il regarde passer le train. Un proche : «Yannick a très mal vécu cette période. Il a eu le sentiment de se faire entuber. Et on ne peut lui donner tort.»
La colère laisse place à un goût amer. Yannick Jadot guette, de loin, les bisbilles entre les pro et antigouvernement, et les départs au sein de EE-LV. Ils refusent de mettre ses mains dans le pot de confiture et dénonce le rapport des écolos avec les socialistes : «On ne doit pas être contre ou avec le PS, mais indépendant.» Au fil des mois, il se trouve une occupation à l'écart des verts. Il se joint à Thomas Piketty, Daniel Cohn-Bendit (toujours), Marie Desplechin, Libé… pour demander l'organisation d'une grande primaire à gauche avant 2017. Son objectif : faire tomber Hollande et réunir toute la gauche dès le premier tour de la présidentielle. La démarche fait couler de l'encre mais tombe à l'eau. Il renvoie la balle du côté du gouvernement : «La mission était compliquée et le débat sur la déchéance de nationalité comme celui sur la loi travail n'ont pas arrangé les choses», argumente-t-il. Nouveau départ pour Yannick Jadot.
«Yannick ne clive pas»
L'eurodéputé revient au cœur du parti et se lance dans la primaire «des verts» montée à la va-vite. Yannick Jadot veut (enfin) sortir de l'ombre et battre Cécile Duflot. Entre les deux, des sourires devant les flashs mais pas beaucoup plus. L'heure de la revanche sonne. Cet été, à Lorient, lors de la rentrée de EE-LV, il nous confie : «Surtout, il ne faut pas écrire que je suis l'ennemi de Cécile Duflot ou bien que sa défaite serait une défaite pour l'écologie politique. La primaire est un débat de fond sur les idées. Nous avons beaucoup de points communs mais je propose une autre direction, un projet différent.» Comme Cécile Duflot – éliminée dès le premier tour –, il rompt avec le gouvernement : essentiel pour avoir une chance de gagner chez les verts, qui lui reprochent sa politique nucléaire et son manque d'engagement pour les énergies renouvelables. Yannick Jadot – à l'image de ses trois concurrents – traverse le pays et multiplie les rencontres. Les retours sont bons. Son entourage : «Yannick ne clive pas et il sait écouter les gens. Du coup, le rassemblement autour de sa personne s'est fait naturellement.» Parmi les soutiens de l'eurodéputé, on retrouve toutes les tendances du parti.
Aujourd'hui, après sa nette victoire, le pari est gagné pour Yannick Jadot : il sort de l'ombre. Mais le chemin est encore long. La chasse aux 500 signatures, qui s'annonce éprouvante, sera ouverte dès mardi matin. Mais au-delà des parrainages et des difficultés financières, Yannick Jadot doit créer une dynamique autour de sa personne pour éviter le fiasco de 2012 avec Eva Joly et ses 2,3%. Un jeune – qui grimpe dans le parti et qui a voté pour Duflot au premier tour – explique : «On sait que la campagne sera difficile à cause du manque de moyens et du climat actuel du pays qui n'est pas bon. Mais Yannick doit sortir de son personnage : cette campagne doit être joyeuse, drôle pour faire passer nos idées, rassembler le parti et donner envie aux gens de voter écolo.»