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Libération
Primaire, J-8

A Bordeaux, Sarkozy se pose en candidat de la «vie réelle»

Devant plus de 2 000 personnes, réunies dans la ville de son opposant Alain Juppé, l'ancien président a joué à fond la carte populiste et décomplexée.
Nicolas Sarkozy en campagne pour la primaire de la droite et du centre, le 12 novembre à Bordeaux. (Photo Rodolphe Escher pour Libération)
publié le 12 novembre 2016 à 19h03

Faire siffler Alain Juppé dans sa ville de Bordeaux par un public de droite, c'est donc possible. A huit jours du premier tour de la primaire de droite, Nicolas Sarkozy tenait meeting samedi dans la capitale girondine. Devant plus de 2 000 personnes, l'ex-président n'a pas dévié de la ligne tenue depuis son entrée en lice : un populisme droitier sans complexe, revendiquant de poser les questions «interdites» par une funeste «bien-pensance». Et invoquant une «alternance forte» là où son principal concurrent représenterait une «alternance molle», vermoulue d'ambiguïtés et de compromis.

Les angles d'attaque sont désormais familiers. Il y a, d'abord, l'«identité heureuse», un concept développé par le maire de Bordeaux, qui ne manque jamais une occasion de rappeler qu'il s'agit là d'un objectif à atteindre, et non d'une description de la situation présente. Une nuance dont Nicolas Sarkozy n'a cure, trop heureux de brocarder la supposée naïveté de son adversaire : «Identité heureuse quand l'Afrique va voir sa population doubler en 30 ans ? Quand les familles sont matraquées depuis cinq ans ? Quand les classes moyennes ne se sont jamais senties aussi déclassées ?». De quoi instruire le procès en déconnexion du maire de Bordeaux, quand l'ancien président se pose lui en «candidat de la réalité, celle que vous vivez, pas la réalité virtuelle».

Deuxième flèche dans le carquois sarkozyste, l'alliance Juppé-Bayrou. Voilà trois semaines que l'ex-président joue de la détestation que voue une partie de la base LR au patron du Modem, soutien de François Hollande en 2012. Pour Nicolas Sarkozy, l'axe Juppé-Bayrou ouvrirait la voie à cette «alternance molle» qu'il ne cesse de dénoncer, et qui verrait les futurs députés Modem tenir en otage la nouvelle majorité de droite. «On ne sortira pas du socialisme avec celui qui nous y fait entrer», a martelé Nicolas Sarkozy, acclamé comme jamais par son public.

Troisième arme du candidat : les «accommodements raisonnables» auxquels serait disposé Alain Juppé vis-à-vis de «l'islam politique». Qu'importe là encore si ce dernier se défende d'en envisager aucun : Nicolas Sarkozy les refuse tout de même. Après tout, «si on ne veut pas vivre selon l'identité française, on n'es pas obligé de devenir français». Et si certains veulent défendre les minorités, lui se déclare candidat de «cette majorité silencieuse, qui doit être protégée et qui dit : ça suffit». L'ex-président se voit-il comme le Trump français ? Celui qui avait dénoncé la «vulgarité» et le «populisme» du républicain tient désormais un tout autre discours : «Je n'accepte pas que, lorsque 58 millions d'Américains votent pour Trump, on se bouche le nez en disant : c'est le populisme». Rendez-vous le week-end prochain pour voir si, ici comme là-bas, le candidat auto-proclamé de la «vie réelle» bouleverse les pronostics.