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Libération
La primaire vue par des artistes

Nicolas Sarkozy : ça le fait bander d’être haï

Fillon, candidat de la droite en 2017dossier
Portrait en roue libre de l’ex-président par Magyd Cherfi, du groupe Zebda. L’auteur de «Ma part de Gaulois» met en exergue les contradictions maladives du personnage, qui passe son temps à être ce qu’il n’est pas.
Nicolas Sarkozy, en mars 2015 lors d’un meeting à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). (Photo Albert Facelly)
publié le 13 novembre 2016 à 18h46

Libération passe en revue tous les candidats de la primaire de la droite. Carte blanche a été donnée à plusieurs personnalités du monde de la culture (humoriste, chanteur, écrivain…) pour leur tailler le portrait. La consigne ? Pas de consigne. Juste assumer une plume subjective, et donc possiblement décalée, qui revendique un droit à la légèreté et à l’insolence. Sans s’interdire de faire de la politique.

Il est atteint d’une maladie dont il est la seule victime : la sarkozite. Explication. Vouloir être le contraire de soi-même, ou rien de ce que l’on croit être. Pour guérir, le patient se vide de toute authenticité, de son essence propre, et se remblaie de tout ce qu’il n’est pas. Improbable équation. Il tente l’épure dans le marigot, la prouesse indolente, le feu qui prend source dans l’eau.

J’aime cet homme qui feint d’être ce qu’il n’est pas. Le taf est sans répit. Il n’a pas droit au sommeil, sous peine d’être lui-même. Alors il gigote, tel un basset à l’arrière des Mercos. Sûr qu’il est né avec les boules, un jour de pleine lune ou une nuit d’apocalypse, et pour se venger, joue au tout pour le tout à toutes les parties. Cet athlète sans prépa vit au bord de la rupture permanente, mais il ose, c’est son kif. Par exemple, il se veut gaulois tout en affirmant sa multiplicité identitaire. Il convoque la Gaule en évoquant un père hongrois, un grand-père grec - et pourquoi pas une tante inuit -, et ensuite nie farouchement sa multitude plurielle. Il défie les apesanteurs généalogiques. Je vous dis, cet homme se nie pour exister. Etrange !

C’est un voyou de la pensée qui cherche le flagrant délit juste pour l’occasion offerte de vendre chèrement sa peau. Il est l’avocat de son crime, le remord du bourreau, la laideur du mourant. Il fait cohabiter les contraires dans des zones hostiles à chacun d’eux. C’est dément ! Il avoue le contraire de ce qu’il est, ou l’inverse de ce qu’il croit être. C’est un Sisyphe à la descente, un Cyrano de lui-même, un fantôme sans opéra, terroriste de sa propre cause. C’est un dieu… ou plutôt un contre-dieu ! Il se vit omniscient et omnipotent de toutes les imperfections, et conchie l’inéluctable. Il n’aime sans doute pas qu’on l’aime, s’entoure d’hostiles qui voudront sa peau, et ça le fait bander d’être haï. Il ne vit qu’en érection et vomit l’état léthargique des contemplateurs. Il lui faut le mouvement perpétuel. Le mouvement pour oublier que le temps passe. J’aime cette folie qu’il a de s’inscrire dans une éternité qui n’appartient qu’à lui. Phénix vertical, il doit se convaincre qu’il ne mourra pas, au contraire des hôtes de ce bois… Et gare à ceux qui vieillissent, dorment ou s’immobilisent alentour.

Cet homme me touche. Il est cruel et fait peine. On voudrait le consoler de trop avoir à haïr. Trop d’ennemis sans doute, à commencer par lui-même. Il s’offre son contraire ou ce qui lui déplaît. La femme modèle, l’icône posante. Ensuite, la montre qui tue, le paquebot géant, la lunette Ray-Ban et la meilleure table. Il est tout sauf indifférent, et déteste à tout va. C’est son kérosène. Il abhorre surtout ce à quoi il ne croit pas, sauf à penser que cela puisse lui servir de marchepied. Il aimerait être noir à la façon Nino Ferrer, pour provoquer l’hallali, et renvoie l’homme de couleur au Moyen Age. Il dit qu’il en sera fini des moutons qu’on égorge dans les baignoires et choisit Rachida Dati pour punir le musulman. Il ne croit pas en dieu et s’agenouille devant les croix. Il force sa nature à le contrarier. Il se provoque pour se sentir vivant, il ne s’aime que contre lui-même. Masochiste impénitent, c’est un Jésus sans dieu, éternellement ressuscité, qui se plaît à souffrir qu’on ne l’aime pas. C’est le héros d’une plèbe qu’il cogne à qui mieux mieux et le modèle de capitaines d’industrie qui le font gerber. Sarko, c’est tout ça…

Épisode 3, mardi : Bruno Le Maire par Florent Marchet