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Libération
Primaire

A droite, des chiffres lus au gré du vent

Dédaignés ou mis en valeur selon qu’ils sont défavorables ou non, les sondages obsèdent les candidats à la primaire.
A la primaire de la droite et du centre, le 3 novembre. (Photo Eric Feferberg. AFP)
publié le 14 novembre 2016 à 21h16

Comme des toxicomanes honteux, ils se réveillent tous les matins en jurant qu'ils n'y toucheront plus. Ou alors si peu, à doses homéopathiques. Les sondages ? Les candidats à la primaire de la droite protestent qu'ils ne les regardent que d'un œil distrait car, c'est bien connu, «ils ne veulent pas dire grand-chose»…

La vérité, c'est qu'ils sont tous accros. Entre deux passages dans les médias, leurs équipes guettent avec anxiété la prochaine enquête, celle qui validera ou invalidera leur stratégie de campagne. Ce qui se passe ces jours-ci autour de François Fillon est, à cet égard, particulièrement éloquent. Après avoir martelé pendant des mois que les mauvais sondages ne valaient «pas tripette», le voilà gonflé à bloc par les bons, martelant partout : «Je serai au second tour.»

Dans le camp Sarkozy, on ne se lasse pas de souligner la fragilité des enquêtes sur un corps électoral que personne ne sait précisément définir. Certains soutiens de l'ancien chef de l'Etat n'hésitent pas à crier au «mensonge» et à la «manipulation». Juppé serait le «candidat des médias» et des «élites parisiennes». On chercherait à influencer les électeurs en leur mettant sous les yeux des résultats très favorables au maire de Bordeaux. Et pourtant : les mêmes qui répandent ces thèses complotistes s'étaient enthousiasmés fin août, après les attentats de l'été, quand les journaux annonçaient que Sarkozy avait enfin rattrapé Juppé dans les intentions de vote.

Tout cela est oublié. Pour le premier tour de la primaire, les sarkozystes rêvent désormais d'un scénario à la Trump. En donnant la victoire à l'ancien chef de l'Etat, le peuple méprisé sanctionnera, en France comme aux Etats-Unis, «le candidat du système». Paradoxalement, ces sondages défavorables en deviendraient presque un atout pour Sarkozy. S'il dépasse de justesse Juppé dimanche prochain, il célébrera comme une performance extraordinaire un résultat pour lui objectivement décevant. Car pour espérer gagner au second tour, Sarkozy doit l'emporter nettement au premier.

Si l’on prend la peine de les écouter, les sondeurs reconnaissent qu’un résultat serré est une hypothèse vraisemblable. Car la mobilisation du noyau dur de l’électorat LR est bien plus certaine que celle des déçus du hollandisme. Ceux qui se disent prêts à voter contre Sarkozy se déplaceront-ils ? Les sondeurs avouent n’en rien savoir. En ne soulignant pas suffisamment cette incertitude, ils auront contribué - bien aidés en cela par les «commentateurs» - à créer les conditions d’une surprise… pas si surprenante.