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Le bilan de la campagne de Fillon : l’anti-Sarkozy qui remonte

François Fillon et Nicolas Sarkozy, avec Alain Juppé, à La Baule, en septembre 2015. (Photo Jean-Sébastien Evrard. AFP)
publié le 15 novembre 2016 à 19h26

Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy, il n’a pas cessé d’être en campagne. En mai 2012, quand s’achève son séjour de cinq ans à Matignon, François Fillon bénéficie d’une cote de popularité exceptionnelle. Pour la majorité des parlementaires UMP, Fillon est l’anti-Sarkozy : l’incarnation d’une droite provinciale, pudique et bien élevée. C’est pourquoi il a cru pouvoir s’imposer sans difficulté comme le successeur du président battu. A l’époque, ni Juppé ni encore moins Le Maire n’étaient en mesure de lui barrer la route.

C’était sans compter Jean-François Copé, bien décidé, lui aussi, à être le nouveau patron de la droite. On connaît la suite. Le député et maire de Meaux, alors secrétaire général de l’UMP, a tout fait pour empêcher l’élection du Sarthois à la présidence de l’UMP. Le jour du vote, grâce à une collecte industrielle de procurations, il réussit à faire jeu égal avec Fillon et se proclame vainqueur. L’UMP était au bord de la sécession. L’union n’a pu survivre qu’au prix d’un consensus sur l’organisation d’une primaire ouverte pour désigner le candidat de la droite et du centre en 2017.

La bonne surprise

Ce premier débat, le 13 octobre sur TF1, les fillonistes l’attendaient avec autant d’espoir que d’appréhension. C’était quitte ou double. Le moment ou jamais de se sortir enfin de l’ornière sondagière où se morfondait depuis plus d’un an l’ancien Premier ministre. Et miracle : désespérément bloquées entre 10 % et 13 %, les intentions de vote ont commencé à progresser, aux dépens d’Alain Juppé et de Bruno Le Maire. Un soulagement pour lui. Car il vivait comme une humiliation cette quatrième place qui lui semblait promise.

Le ratage

Jusqu'à l'été 2013, alors qu'il était le seul candidat déclaré à la primaire, le député de Paris avait presque réparé les dégâts causés par sa guerre de tranchées contre Copé. Mais le 12 septembre, à la fin d'une interview sur Europe 1, il se fait piéger par les journalistes qui l'interrogent sur son attitude en cas de deuxième tour entre le PS et le FN aux élections municipales. Alors que jusqu'à présent il était sans ambiguïté, Fillon conseille de «voter pour le moins sectaire». Le piège se referme quand il concède que le moins sectaire peut être, le cas échéant, le candidat du FN. Venant de celui qui prétendait justement se distinguer de Sarkozy par son refus de toute compromission avec le FN, cette volte-face était incompréhensible. Il la paiera cash, par une chute brutale de sa cote de popularité.

La réplique qui tue

«Il ne sert à rien de parler d'autorité quand on n'est pas soi-même irréprochable. Qui imagine De Gaulle mis en examen ?» Le 28 août, François Fillon glisse cette question dans son discours de rentrée prononcé à Sablé-sur-Sarthe. A son côté, son ami Gérard Larcher, président du Sénat, s'étrangle un peu. Quelques fillonistes désapprouveront discrètement cette attaque contre Sarkozy, mis en examen dans deux dossiers. Mais aucun ne lui a retiré son soutien.

Les mantras

«Je suis à la tête d'un Etat en faillite.» Avec cette phrase, prononcée dès 2007, Fillon s'était attiré de vives critiques de Sarkozy. Près de dix ans après, il en fait son titre de gloire. L'illustration de sa capacité à avoir «le courage» de dire «la vérité». Dans ses discours, il multiplie les formules pour souligner ce qui le distingue de Sarkozy : «Dans l'idée que je me fais du gaullisme, je distingue une exigence d'honnêteté, de droiture.» Il n'est pas de ces politiciens qui «se prennent pour des stars, pour des vedettes alors qu'ils devraient simplement être des hommes engagés».

Le lâchage

Pourtant très proche de son ancien Premier ministre, Valérie Pécresse a choisi, in extremis, de soutenir Alain Juppé. Elle s’en est expliquée en disant qu’il fallait, selon elle, que le maire de Bordeaux soit le plus fort possible dès le premier tour.

Le ralliement

Contre toute attente, le fondateur de la Droite populaire, Thierry Mariani, n’a pas choisi Sarkozy. Une excellente nouvelle pour son ancien Premier ministre qui avait grand besoin de renfort à l’aile droite.

Son talon d’Achille

Parce qu'il n'a que mépris pour ce qu'il appelle «la communication politique», il néglige les figures obligées de la politique et ne craint pas de se faire mal voir des journalistes. Plus grave encore : il ne «traite» pas les élus et les cadres du parti, à la manière d'un Sarkozy qui fait défiler à sa table et inonde de promesses ceux dont il veut s'assurer le soutien.