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Primaire

Libye : les trois questions (simples) à poser à Sarkozy lors du débat

Fillon, candidat de la droite en 2017dossier
Les déclarations de Ziad Takieddine sur des remises de cash à Guéant et Sarkozy pourraient s’inviter, ce jeudi soir.
Nicolas Sarkozy, à Paris, le 2 juillet 2016. Maison de la Mutualité. Conseil national du parti Les Républicains (LR). (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 17 novembre 2016 à 17h54

C'est ce soir ou jamais. Lors des deux premiers débats télévisés de la primaire de la droite et du centre, personne n'a osé poser une question sur les soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Mais depuis, dans une vidéo diffusée par Mediapart, l'intermédiaire Ziad Takieddine a affirmé avoir personnellement remis 5 millions d'euros en cash à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy entre fin 2006 et début 2007.

Les trois favoris à la primaire ne risquent pas d'aborder spontanément le sujet. En 2011, lors de la chute de Kadhafi, Nicolas Sarkozy était président de la République, François Fillon
Premier ministre et Alain Juppé ministre des Affaires étrangères. Pas d'inquiétude non plus du côté de Bruno Le Maire, qui a déclaré ce jeudi sur France Info que l'affaire Takieddine n'avait «pas sa place» dans le débat. Les coups pourraient plus sûrement venir de l'outsider Jean François Copé, qui s'est montré le plus incisif sur les affaires lors des premiers épisodes. Certes, l'ex-ministre du budget, photographié avec Brice Hortefeux dans la piscine de Takieddine en 2003, n'est pas forcément le mieux placé pour évoquer le rôle trouble joué par l'ancien intermédiaire franco-libanais. Mais depuis la diffusion de ses aveux, Copé est le seul à avoir rebondi, qualifiant d'«extrêmement graves» ces «accusations d'une importance capitale». Si d'aventure, aucun candidat n'osait aborder frontalement le sujet, les journalistes pourraient – qui sait ? – s'en charger eux-mêmes. Pour les aider, voici trois questions simples à poser à Nicolas Sarkozy.

Pourquoi juger aussi fantaisistes les propos de Ziad Takieddine alors qu’ils sont crédibilisés par sept autres témoignages ?

L'ancien président a déjà éludé. Interrogé par le Figaro sur les confessions explosives de Ziad Takieddine, il a dénoncé une «manipulation grossière», «une manœuvre nauséabonde pour interférer dans la primaire de la droite et du centre». Mais la question mérite d'être reposée. Nicolas Sarkozy opposera sans doute que depuis 2012, Takieddine a multiplié les versions au gré des auditions judiciaires et des apparitions médiatiques, enchaînant incohérences et contradictions. Mais c'est aussi la première fois qu'il s'auto-incrimine, au risque d'être accroché lui aussi par la justice.

Surtout, l'enquête confiée en avril 2013 aux juges Serge Tournaire et Aude Buresi rend aujourd'hui ses aveux beaucoup plus crédibles qu'il y a quatre ans. Pas moins de sept témoignages versés à la procédure judiciaire font désormais état d'un possible financement occulte, même si aucune preuve formelle n'a encore été apportée. Un faisceau d'indices conforté par la découverte d'un carnet de l'ancien ministre libyen du Pétrole, Choukri Ghanem, qui mentionne explicitement plusieurs versements pour un montant de 6,5 millions d'euros. Un témoin-clé retrouvé dans le Danube le 29 avril 2012, entre les deux tours de l'élection présidentielle, officiellement mort d'une crise cardiaque.

Comment expliquer que Bernard Squarcini ait facilité l’exfiltration de Bachir Saleh, le 3 mai 2012 ?

Ancien directeur de cabinet de Muammar Kadhafi, Bachir Saleh était à la fois l'homme de confiance du «Guide» et le grand argentier du régime. En novembre 2011, en pleine révolution libyenne, ce dignitaire détenteur de lourds secrets est discrètement accueilli à Paris, où il bénéficie de tous les égards. Selon une note de la DGSE datée de février 2012, Bachir Saleh est aperçu dans plusieurs grands hôtels de la capitale et suit même des soins à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Une protection surprenante alors que l'ancien fidèle de Kadhafi est également visé par une notice rouge d'Interpol.

Le 2 mai 2012, trois jours après la publication par Mediapart d'une note faisant état d'un financement de la campagne de 2007 à hauteur de 50 millions d'euros, Nicolas Sarkozy affirme que si Bachir Saleh est recherché par Interpol, il sera «livré» aux autorités. Mais le lendemain, le dignitaire libyen est à nouveau discrètement exfiltré par un vol privé vers le Niger. Ce jour-là, comme l'ont révélé dès 2012 les Inrocks, deux proches de Nicolas Sarkozy ont participé activement à l'opération de sauvetage : Alexandre Djouhri et Bernard Squarcini, à l'époque Directeur central du renseignement intérieur. Comment l'ancien président explique-t-il cette fuite soudaine ? Réfugié depuis à Johanesbourg, en Afrique du Sud, Bachir Saleh n'a jamais répondu aux juges français.

Etes-vous toujours aussi proche d’Alexandre Djouhri ?

Ancien caïd devenu une pièce maîtresse de la «Sarkozie», à tu et à toi avec Bernard Squarcini, Alexandre Djouhri a fait ses armes chez les chiraquiens avant de retourner sa veste et de proposer ses services d'intermédiaire au clan adverse de la droite. D'après l'enquête des juges Tournaire et Buresi, il a tenu un rôle-clé dans les relations franco-libyennes, jouant les go-between entre Paris et Tripoli, volant au secours de son ami Guéant et organisant lui-même la riposte médiatique face aux accusations portées contre Nicolas Sarkozy. Depuis, le domicile suisse d'Alexandre Djouhri a été perquisitionné, une flopée d'écoutes attestent de son influence au sommet de l'Etat et la liste des questions que veulent lui poser les juges s'est sérieusement allongée. Mais l'homme d'affaires se fait désormais beaucoup plus discret. Selon le Monde, Djouhri n'a pas posé un pied en France depuis mars 2015, date de la mise en examen de Claude Guéant dans le dossier.