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Libération
Primaire, l'ultime débat

Débat à droite: Juppé, bon élève trop discret

Fillon, candidat de la droite en 2017dossier
Sérieux et précis mais effacé et peu pugnace, le maire de Bordeaux a géré son temps sans marquer de points.
Alain Juppé lors du débat du 17 novembre. (Photo AFP)
publié le 18 novembre 2016 à 0h53
(mis à jour le 18 novembre 2016 à 0h57)

«Vous ne pouvez pas savoir tout ce qu'il bouffe comme notes…», s'étonnait jeudi, à quelques heures du dernier débat de la primaire de la droite, un conseiller d'Alain Juppé, l'un de ceux chargés de «nourrir la bête». Préparé Juppé? Sans aucun doute. Presque trop. Comme lors des deux précédentes soirées confrontant les sept candidats, le favori des sondages a tenté de lister le maximum de ses promesses de campagne. Donnant parfois l'impression de débiter ses fiches. Ses opposants le diront techno ou terne, ses soutiens expliqueront qu'il a l'obsession du mot juste et la détestation des formules-slogans. Disons que Juppé a fait le job, proprement, sérieusement, mais sans sortir de sa zone de confort. Reconnaissons aussi que ce n'était pas lui qui avait le plus besoin de crever l'écran ce soir.

Sans surprise, sur l'international, l'ancien ministre des Affaires étrangères s'est montré à l'aise, mettant en garde contre la tentation du repli protectionniste des Etats-Unis après l'élection de Trump par exemple. Il a aussi pu présenter sa proposition de revaloriser les petites retraites avec une partie des économies faites avec son recul de l'âge de la retraite à 65 ans ou ses mesures pour la ruralité, présentées mercredi lors d'un déplacement dans l'Yonne. Mais il a laissé passer quelques occasions de se démarquer. Il n'est pas intervenu sur l'environnement au moment où le sujet était (furtivement) posé. Et pas sûr que les téléspectateurs aient saisi sa proposition d'«orientation» à l'entrée de l'université. Ce qui n'est pas la sélection mais pas non plus le maintien de la non-sélection actuelle. Enfin bref, c'est subtil…

 «Tu as fini?»

Dans la dernière ligne droite, Juppé qui caracole toujours en tête a vu son excellente cote sondagière s'éroder un peu au profit de François Fillon, troisième homme qui rêve de bouleverser le duel annoncé. On aurait pu imaginer que Juppé se montrerait plus offensif face à l'ancien Premier ministre. Il avait commencé à le faire en début de semaine, critiquant le bilan du tandem Sarkozy-Fillon sur le renseignement et les effectifs de police entre 2007 et 2012. Et balançant au Zénith: «Ceux qui se sont montrés les plus pusillanimes quand ils étaient au pouvoir montrent les biceps "on va voir ce qu'on va voir", on a déjà vu…» Les biceps c'était Fillon donc.

Mais ce soir, Juppé a oubié de taper. Une pique discrète sur la position de Fillon sur Bachar al-Assad. Et lorsqu'il doit répondre à son interpellation sur la question de l'Iran, il commence par demander poliment: «tu as fini?» Dans la dernière séquence qu'on intitulera «clashez-vous à votre guise sur des sujets libres», Juppé, pourtant invité par les journalistes à interpeller Fillon sur sa promesse de supprimer 500 000 postes dans la fonction publique, hésite un peu: «Billevesée et rodomontades? C'est le vocabulaire de Pujadas, ça.» Sauf que pas du tout, le maire de Bordeaux est bien un des derniers Français à dire «billevesée». Bon, il se reprend ensuite en balançant à Fillon que son chiffre n'était «pas crédible». Reste que Juppé a sans doute laissé un Fillon en grande forme prendre un peu plus la lumière.

«Petit bout de la lorgnette»

Il ne s'est par contre pas laissé faire face au procès en naïveté que continue de lui coller Sarkozy. Sur l'immigration, «tout ramener au regroupement familial c'est vraiment prendre le problème par le petit bout de la lorgnette», rétorque l'ex-Premier ministre qui insiste sur le renvoi des déboutés du droit d'asile. Et de réaffirmer son «cap» de l'identité heureuse, encore raillé par Sarkozy.

C'est sans doute sur sa conclusion que Juppé est surtout parvenu à faire passer son message. Il a dit qu'il avait vu «les inquiétudes et les colères» mais aussi «les énergies fantastiques» des Français, qu'il «gouvernerait fermement» mais en rassemblant la droite et le centre et a défendu «notre diversité» mais aussi «le sentiment d'unité». Un truc bien appliqué et équilibré, thèse-antithèse, du Juppé.