Cette primaire de la droite, exercice jugé contre-nature par les tenants de la tradition bonapartiste, tient décidément toutes ses promesses. On connaîtra dimanche le nom des finalistes. Juppé contre Sarkozy ? A vingt-quatre heures du scrutin, ce n’est plus si sûr. Tout indique que François Fillon peut espérer une qualification. Aux dépens de Sarkozy ? Ce serait une énorme surprise. L’ancien chef de l’Etat s’appuie sur un socle de fans ultra-motivés qui devraient lui garantir un bon million de voix. Ce que semblent confirmer les sondages, qui le créditent de plus de 30 % d’intention de vote depuis plusieurs semaines.
L’autre scénario, élimination de Juppé par Fillon, serait un énorme coup de massue pour les juppéistes, eux qui n’étaient pas loin, ces dernières semaines, de se répartir les ministères. Ce serait pourtant dans la logique des dynamiques de cette fin de campagne : le maire de Bordeaux dégringole tandis que le député de Paris opère un rattrapage fulgurant. Dans tous les cas, les enquêtes démontrent que pour l’ancien chef de l’Etat, le risque de défaite au second tour est directement proportionnel à la participation. Avec plus de 3 millions de votants, le succès de la primaire signerait l’échec de Sarkozy. Et inversement…
«Moralement»
Entre l'ex-Président et son ex-Premier ministre, ce système de sélection a toujours été un sujet de désaccord. En 2011, le premier avait critiqué «la présidentielle à quatre tours» inaugurée par les socialistes avec leur «primaire citoyenne». Fillon, au contraire, avait salué ce «processus moderne». Cette contradiction avait ressurgi en mai 2012, quelques jours après l'élection de François Hollande, quand l'ex-Premier ministre avait osé prétendre qu'il n'y avait «plus de leader naturel» à droite et que par conséquent «une compétition» était engagée. «Moralement, Sarkozy demeure notre leader naturel», avait protesté, indigné, le grognard sarkozyste Christian Estrosi.
Mais Fillon s'est entêté. En novembre 2012, il confie à Libé qu'il veut prendre la présidence de l'UMP pour s'assurer qu'une «primaire ouverte» sera bien organisée pour 2017. Avec Copé chef de parti, il avait quelques raisons de craindre que ce projet s'enlise. Malgré la «victoire» très contestée de Copé à cette élection, Fillon obtiendra gain de cause. Menaçant de faire sécession avec ses amis, il exige en avril 2013 que soit gravé dans les statuts de l'UMP le principe d'une primaire ouverte. «Puisque c'est la mode», avait concédé Copé tandis que son ami Hortefeux, porte-parole de l'ex-Président, prenait de haut cette innovation anecdotique : «Pour Nicolas Sarkozy, la primaire, c'est secondaire», avait-il ironisé. Pour les sarkozystes, leur chef préparait son retour et la question de sa succession ne se poserait donc pas. Quand l'affaire Bygmalion accélère son calendrier, Sarkozy ne prend pas la question de la primaire au sérieux. Redevenu président de l'UMP (bientôt rebaptisé Les Républicains), il ne doute pas que la concurrence va s'évaporer sous le rayonnement de son leadership.
Charismatique
C’est pourquoi il laisse charitablement ses rivaux organiser cette primaire dont il ne devait faire qu’une bouchée. Au sein du comité d’organisation présidé par le député LR Thierry Solère, les sarkozystes font de la figuration. Et quand ils comprennent que la magie du chef charismatique n’opère pas, il est trop tard pour revenir en arrière. Sous la responsabilité d’une haute autorité indépendante, les organisateurs de la primaire ont tout fait pour attirer le plus grand nombre possible d’électeurs. Ce qui revient, personne ne l’ignore, à rendre toujours plus difficile une victoire de Sarkozy au second tour, le 27 novembre.