Si vous voulez un débat animé entre deux personnes, ce n’est pas forcément une bonne idée de les mettre debout devant un pupitre, côte-à-côte. Parce que ça donnera ce que vous venez de voir : deux personnalités politiques habituées des médias, jamais bousculées, rarement obligées de se parler directement, de se regarder les yeux dans les yeux, déroulant tranquillement leurs idées, leur programme. Pour les plateaux des précédents débats, avec les sept candidats de cette primaire à droite, il n’y avait guère d’autres solutions que cette mise en scène. Mais dans le cas d’un affrontement direct, en tête-à-tête, on nous avait plutôt habitués à des débats autour d'une table, un face-à-face favorisant les discussions et les échanges. C’était le cas des débats de l’entre-deux tours des présidentielles mais aussi du duel entre Martine Aubry et François Hollande en 2012 pour la primaire à gauche.
Là, cette forme du débat derrière un pupitre a davantage ressemblé à un meeting en commun qu’à un moment de franche explication. Une sensation renforcée par un trio de journalistes quasi inexistants, se contentant de distribuer le temps parole, d’ouvrir les grands chapitres et se faisant taper sur les doigts dès qu’ils ont cherché à les sortir de l’autoroute sur laquelle les deux candidats conduisaient leur petite caravane publicitaire. Ils ont rarement réussi à les interrompre, à les contredire (et pourtant il y avait matière), à les relancer et à susciter la discussion directe tant attendue. Il aura fallu attendre près de cinquante minutes par exemple pour que les candidats s’interpellent directement de manière physique.
Certes, on a eu droit à un débat technique et à des chiffres. Pour le reste, à chaque tentative de mettre de l'instabilité dans le déroulement de leurs propositions, les journalistes se sont vu opposer un procès en caricature. Moyen efficace pour reprendre la parole, éviter de répondre et re-dérouler ses idées. «Nous voulons structurer le débat», a tenté Gilles Bouleau en cours d'émission. Perdu, ils n'ont jamais eu la main, ce sont les candidats qui ont donné le tempo du débat à la fin. C'est exactement là où voulait en venir François Fillon. Lors des débats précédents, il s'était plaint des relances des animateurs qui ne lui permettaient pas de s'exprimer comme il l'entendait et qui cherchaient plutôt à faire s'affronter les candidats entre eux. Alain Juppé avait besoin d'un affrontement encore plus direct. L'organisation et la mise en scène, ajoutées à la stratégie de François Fillon de le tenir à distance, ne lui ont pas facilité la tâche.