Dans son discours, Alain Juppé a parlé de «l'homme», du «futur» et de nos «frères européens». De sa mairie de Bordeaux, à laquelle il se consacrera désormais. Chez les plus grands – ceux qui visent l'Elysée et apparaissent comme des messies –, c'est terminé pour lui. Une page de la politique française se tourne, avec un refrain assez dingue chez de nombreux militants : le plus vieux candidat à la primaire (71 ans) est celui qui représentait le plus l'avenir pour son côté «rassembleur».
Entendu chez l'un des clients stars des télévisions ce dimanche soir – un jeune arborant un tee-shirt AJ sur une chemise à carreaux de bûcheron : «C'est l'extrémisme qui est à la mode, sinon Bruno Le Maire n'aurait pas fait cette campagne.»
Il a l'amour du maillot (t-shirt sur la chemise à carreaux). Et a fait toutes les télés (le swag) pic.twitter.com/Ekc4SkyJKF
— Ramsès Kefi (@Rkefi) November 27, 2016
Quand on a sondé la foule, on a entendu pêle-mêle que le statut de favori dans les sondages était bâtard parce qu’il poussait au relâchement ; que Juppé n’avait pas vraiment joué la gagne (trop effacé) ; que Fillon représentait la droite réactionnaire ; qu’Emmanuel Macron était une alternative possible et que Sarkozy et Fillon ne forment qu’une seule et même personne, comme des siamois.
On est allés au QG d’Alain Juppé comme on débarque chez une lanterne rouge de Ligue 1 quasi condamnée, après quarante ans dans l’élite. Pour assister à la fin de quelque chose. Il y avait des nappes bleues, un buffet de baptême, Hervé Mariton et quelque chose de presque gênant dans le code wi-fi, «Péju». Un gros blanc au moment des premiers résultats qui donnaient AJ 2016 autour des 30% – personne n’imaginait un tel écart.
La fin d’une colonie de vacances
Il y avait une drôle de sensation quand AJ 2016 est descendu de la tribune, ému. Des huées quand à la télévision, François Fillon a remercié Nicolas Sarkozy et joué – lui aussi – la carte du renouveau, comme s'il n'avait jamais été Premier ministre. On a recueilli des bégaiements lorsque l'on a demandé «mais qui est le successeur de Juppé à droite ?» et un peu de déni, certains n'ayant pas compris que l'ancien Premier ministre rentrait retrouver ses copains à Bordeaux.
Une jeune qui turbine depuis deux ans aux côtés d'AJ nous raconte son désarroi : «On pensait que rien ne pouvait nous arrêter. Et que notre adversaire était Sarkozy. Et Alain ne mérite pas ce score c'est…». Elle n'a pas réussi à terminer sa phrase. Alain Juppé est parti sous les applaudissements. Ses supporteurs rôdaient au milieu des flashs. Ils voulaient tous un selfie avec l'ancien. Les larmes ont vite remplacé les sourires. Les jeunes avec Péju se sont rassemblés près du buffet, les yeux rougis comme sur le quai d'une gare à la fin d'une colonie de vacances. Des anecdotes, des rires pour masquer la rage. Et la chute.