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Billet

Manuel Valls, un Premier ministre ne devrait pas dire ça

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Dans un entretien au «Journal du Dimanche» ce 27 novembre, le chef de l'exécutif dévoile de plus en plus ses ambitions présidentielles.
Manuel Valls à Cergy-Pontoise, le 16 novembre. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 27 novembre 2016 à 13h13

Pousser le bouchon toujours plus loin, quitte à déclencher au sommet de l'Etat une crise institutionnelle d'une nature inédite. Un président sortant se soumettant à une primaire ouverte pour briguer un second mandat, l'affaire était déjà singulière. Et voilà que son Premier ministre, mis en orbite par le président de l'Assemblée nationale, laisse prospérer l'idée qu'il pourrait lui-même concourir contre lui. Contre le président qu'il affirme à longueur de temps servir avec «loyauté» depuis Matignon…

On pense au Nicolas Sarkozy des années 2005-2006, quand le ministre de l'Intérieur s'affranchissait d'un Jacques Chirac réduit à affirmer contre l'évidence son fameux «je décide et il exécute». Il y a quelques mois à propos d'Emmanuel Macron, François Hollande a, lui, eu une saillie qui vaut aussi pour Manuel Valls – 5% à la primaire du PS en 2011 – mais qui ne protège d'aucune trahison: «Il sait ce qu'il me doit.»

«Un profond désarroi»

«J'ai des rapports de respect, d'amitié, et de loyauté avec le Président. Mais la loyauté n'exclut pas la franchise, affirme ce dimanche Manuel Valls dans un entretien au Journal du dimanche. Force est de constater qu'au cours de ces dernières semaines, le contexte a changé. La parution du livre de confidences a créé un profond désarroi à gauche. Comme chef de la majorité, ma responsabilité est donc de tenir compte de ce climat», insiste-t-il.

Très au-delà de la posture du recours pressant, à laquelle il se tenait depuis plusieurs semaines, Valls joue désormais à visage découvert la stratégie de l’empêchement. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Qui peut croire en effet que le chef du gouvernement imagine vraiment un scénario donnant lieu à des débats télévisés mettant aux prises le président de la République en exercice et son Premier ministre?

Le simple fait de le laisser entendre est hallucinant. Une démission de Manuel Valls à cinq mois d’une présidentielle sous état d’urgence serait d’ailleurs tout aussi ahurissante. Plus stratégiquement, comment pourrait-il d’ailleurs espérer sortir vainqueur de la primaire s’il devait y affronter à la fois Arnaud Montebourg et François Hollande?

En évoquant le premier, samedi, une candidature à la primaire du Premier ministre face au chef de l'Etat, Claude Bartolone a largement surpris. Parce que la proposition est pour le moins inattendue voire malvenue dans la bouche d'un président de l'Assemblée nationale en exercice. Mais aussi parce que «Barto» a régulièrement bataillé contre les options vallsistes au cours du quinquennat, lui préférant bien souvent la ligne d'une Christiane Taubira ou d'une Martine Aubry.

Savonner la planche

En ouvrant la voie à Valls, l'ancien patron du conseil général de Seine-Saint-Denis donne le sentiment de basculer comme on bascule dans un congrès du PS. Son choix de savonner la planche de François Hollande serait, dit-on au PS, largement lié à une blessure d'orgueil après les confidences – peu flatteuses à son endroit – dans Un président ne devrait pas dire ça…

Dans le JDD, Valls affirme: «Chacun doit mener ses réflexions en responsabilité. Je prendrai ma décision en conscience. Quoi qu'il arrive, le sens de l'État m'animera toujours.» C'est précisément à ce sens de l'Etat qu'il devrait penser un peu, tant que son patron, le président de la République, n'a pas fait connaître ses intentions. «Une question de jours», souligne Valls lui-même, alors que les candidats à la primaire du PS, François Hollande compris, ont jusqu'au 15 décembre pour se déclarer.

Il sera alors bien temps. «Je n'oublie pas que le président a été élu par les Français en 2012, se défend le Premier ministre. Mais toute candidature doit intégrer le rapport avec les Français, avec la gauche, avec notre famille politique. Toute décision qui ferait fi de ces trois dimensions apparaîtrait comme bancale ou fragile. Me concernant, j'intègre en permanence ces trois éléments.» Auxquels il convient d'ajouter l'ambition personnelle.