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Libération
Reportage

Liesse discrète au QG de Fillon, et «un boulevard devant nous»

Les militants de François Fillon étaient réunis dimanche soir à la Maison de la Chimie à Paris, où ils ont célébré la victoire de leur candidat sans trop s'épancher. A 22h30, tout était rangé, plié, terminé.
François Fillon à la maison de la chimie dimanche soir (Albert Facelly)
publié le 28 novembre 2016 à 0h21

«Fillon président, Fillon président !». A 21 heures, les fillonistes exultent lorsque leur champion fait son entrée dans la très chic salle de la Maison de la Chimie, dans le VIIe arrondissement, à deux pas de son QG de campagne, jugé trop petit pour l'occasion. On applaudit quand le candidat élu rend hommage à Nicolas Sarkozy et à Alain Juppé, on hue lorsqu'il évoque François Hollande ou Marine Le Pen et enfin on entonne la Marseillaise à plusieurs reprises avec beaucoup de ferveur.

Les militants font bien le boulot en affichant leur bonheur, et presque leur surprise, quand les premiers résultats tombent. Mais en réalité personne ne doutait de cette victoire. Pour Jean-Michel, 61 ans, ce deuxième tour n'était qu'une formalité. Il avait même acheté deux bouteilles de champagne samedi pour les boire avec une amie dès l'annonce des résultats. Cet homme loquace aux yeux très cernés est tombé sous le charme du député de Paris il y a 25 ans, lorsque ce dernier est venu lui rendre visite dans sa boutique de matériel électronique. Et il lui est resté fidèle parce qu'«il est pour la préservation des lignes de mon éducation chrétienne et la conservation de ce que j'imagine d'un Etat fort et protecteur. Ce qui l'intéresse c'est la préservation de la France, menacée par un islam radical et la déliquescence absolue des valeurs fondamentales : la préservation de l'identité française mais aussi celle de la famille».

«Depuis que je vote, j’ai l’impression d’être cocu de la politique»

Sur ce sujet, Justine, 27 ans, se dit plus réservée. Militante au Planning familial, les positions conservatrices du fervent catholique Fillon ne l'inquiètent pas pour autant. «Il ne touchera jamais à l'avortement, il n'a jamais dit une chose pareille», assure-t-elle. La jeune femme, qui défendait le mariage des couples homosexuels en 2013, n'a pas remarqué un peu plus loin la présence de Frigide Barjot, figure de proue de la «Manif pour tous», qui est restée une bonne partie de la soirée. Non, c'est surtout le grand coup de balai libéral proposé par Fillon qui a séduit Justine : «il est le plus cohérent par rapport à l'innovation, aux PME. Il sait valoriser le travail. Avec lui on arrêtera de dire aux gens que l'avenir est ailleurs». A ses côtés, son ami Jean-Baptiste, 29 ans, se lance dans une métaphore filée automobile (un hommage à son candidat fan de sports mécaniques ?) : «Il faudra se serrer la ceinture pour faire redémarrer la machine. La France est une machine dans laquelle on met du diesel. Il faut remettre de l'essence, explique cet avocat en costard cravate. Il représente toutes nos aspirations d'une droite classique, d'une France qui se respecte et qui est respectée.» Hélier, 45 ans, se dit lui «très heureux» de voir la droite ultralibérale l'emporter. «Depuis que je vote, j'ai l'impression d'être cocu de la politique. On fait tout à l'envers, on se tire une balle dans le pied. C'est le seul qui dit que c'est fromage ou dessert mais qu'on a pas de quoi se payer les deux. C'est le seul à être aussi honnête. Fillon veut réduire les dépenses de l'Etat et laisser s'exprimer la libre entreprise. Ça va nous donner un souffle dingue», estime cet entrepreneur, qui raconte avoir fait deux fois faillite, notamment «à cause des lourdeurs administratives et financières qu'on nous impose.»

«Fillon défendra les valeurs de la famille»

Derrière lui, les militants se succèdent sur la scène pour se prendre en photo derrière le pupitre où François Fillon vient de s'exprimer. Tous vouent une vraie admiration pour un homme qu'ils jugent «précis» «brillant» ou «intègre» et qui sera selon eux «le président dont la France a besoin». «On attend ça depuis toujours. On a connu le chômage, la misère sociale. Aujourd'hui on a l'impression d'avoir un homme qui va changer tout ça. C'est un homme hors système», s'emballe Sophie, 38 ans. Quand on lui rétorque que Fillon a quand même été Premier ministre sous Sarkozy, elle répond qu'«il s'est révélé récemment. C'est un grand». A ses côtés, son mari opine : «C'est la victoire du bon sens. Tout ce qui fait la France ne doit pas disparaître et Fillon défendra les valeurs de la famille, la liberté d'entreprendre avec un Etat fort», ajoute Yreix, 41 ans. La seule inconnue est désormais, selon cet avocat, celle de la présidentielle. «Ce n'est pas gagné, on va essayer de lui barrer la route. Le FN est une menace mais c'est un vote de rejet. Fillon est lui un vote d'adhésion. Il ramènera dans la bergerie de la droite ceux tentés d'aller vers les extrêmes et qui partent par déception», assure-t-il. Chérif, 26 ans, agent de footballeurs, ne voit pas non plus qui pourrait barrer la route à son candidat : «Il n'y a aucun concurrent à sa hauteur, ou peut être Macron, mais il n'y a personne derrière lui. Non, vraiment, c'est un boulevard qu'on a devant nous». 

Et pourtant cette large victoire n'est pas célébrée comme il se doit. Il faut dire que les verres de vin ne sont pas servis avec beaucoup de générosité. A 22h30, les techniciens remballent déjà le décor. «Le travail reprend dès maintenant», dit un filloniste en enfilant sa veste matelassée, visiblement peu enclin à faire la fête. Bonjour tristesse.