Si la référence idéologique de Manuel Valls reste Michel Rocard, c’est chez François Mitterrand qu’il faut aller chercher la comparaison pour la conquête du pouvoir : une petite équipe, extrêmement active, fidèle et ultra loyale l’accompagne depuis ses débuts. De ses amis de la fac de Tolbiac aux réseaux politiques, économiques et culturels, aujourd’hui très utiles à ceux rencontrés en Essonne, sa terre d’élection où il a débarqué au début des années 2000, après un échec dans le Val-d’Oise. Valls n’a jamais souhaité organiser une «boutique» politique. Il va en revanche, malgré ses coups de boutoirs idéologiques, réussir à embarquer la majorité des cadres du Parti socialiste derrière lui.
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La garde rapprochée: Harold Hauzy, Sébastien Gros, Yves Colmou, Christian Gravel
Comme Nicolas Sarkozy, Manuel Valls est parti à l’ascension du pouvoir à la tête d’une petite firme. Disons qu’ils sont aujourd’hui au moins quatre qui, à coup sûr, vont avoir un rôle important ou décisif dans le futur organigramme de la campagne du Premier ministre. Commençons par une triplette de garçons propres sur eux, à la pilosité hipster parfaitement taillée, dévoués corps et âme à leur mentor. Depuis presque dix ans, ils n’ont jamais quitté Valls d’une semelle. Ils s’appellent Sébastien Gros, Harold Hauzy et Christian Gravel. Ils ont commencé à travailler pour lui à la Mairie d’Evry. Et ne se sont plus quittés. Les deux premiers ont suivi Valls au ministère de l’Intérieur, pendant que le troisième partait deux ans à l’Elysée, auprès de François Hollande, avant de revenir au bercail. Aujourd’hui, ils sont tous les trois à Matignon : Sébastien Gros est directeur de cabinet, Harold Hauzy s’occupe de la communication et des discours du Premier ministre et Christian Gravel, le patron du Service d’information du gouvernement (SIG), rattaché à Matignon, garde un œil sur les sondages et l’évolution de l’opinion publique.
A ce trio d'opérationnels, il faut ajouter la pièce maîtresse : Yves Colmou, conseiller spécial du Premier ministre. Autre style, autre époque. Ancien chef de cabinet de Rocard à Matignon puis directeur de la communication du Premier ministre Jospin à partir de 2002, Colmou connaît Valls depuis presque trente ans. A 60 ans, il est aujourd'hui l'un des meilleurs experts de la carte électorale française. Il en connaît tous les recoins et les histoires. Du moins de gauche. Calvitie, petits yeux bleus qui ont du mal à cacher une intelligence froide, il n'est pas franchement un rigolo. Aussi calme que Valls peut être bouillant, Colmou a passé ses deux ans et demi à Matignon à rafistoler une majorité souvent excédée par les coups de boutoir de son Premier ministre et de ses deux 49.3. Dans les semaines qui s'annoncent, son rôle sera décisif : réunir le plus largement possible une gauche en lambeaux.
Les élus: Carlos Da Silva, Francis Chouat, Luc Carvounas, Malek Boutih, Philippe Doucet, Pascal Popelin
Il n'a jamais voulu construire de «courant» à lui. Manuel Valls a fait le choix, avant tout, de s'entourer d'élus fidèles qui participent à des réunions devenues régulières, le lundi matin à Matignon, en compagnie des membres de son cabinet. Valls a ses propres «sabras» : ces socialistes qui n'ont jamais été autre chose que «vallsistes». En premier lieutenant, son suppléant à l'Assemblée nationale, Carlos Da Silva. L'élu de Corbeil-Essonnes fait, comme le dit un député, «l'interface avec Valls» et a, auprès du Premier ministre, «un rôle particulier», tout comme le successeur de Valls à la mairie d'Evry, Francis Chouat. A leurs côtés, le maire d'Alfortville, Luc Carvounas, est un soutien indéfectible. Egalement sénateur du Val-de-Marne - département communiste -, chargé au PS des relations extérieures et ex-directeur de campagne de Claude Bartolone aux régionales, il a le contact plus facile avec les autres familles de la gauche. Le premier carré vallsiste - très masculin - compte également des parlementaires comme Malek Boutih (Essonne), Philippe Doucet (Val-d'Oise), Pascal Popelin (Seine-Saint-Denis) ou encore le porte-parole des socialistes à l'Assemblée, Hugues Fourage (Vendée). Il y a quelques semaines, la TPE vallsiste a refait les pointages dans le groupe et dit compter facilement sur un tiers des députés. De fait, depuis les ravages au cœur du PS du livre de confidence de Hollande, les rangs vallsistes grossissent à vue d'œil. L'ex-ministre et actuel sénateur du Val-d'Oise, Alain Richard, l'ex-aubryste, Olivier Dussopt (député de l'Ardèche), Marie Le Vern (Seine-Maritime) ou encore Bernadette Laclais (Savoie) participent désormais aux réunions parlementaires organisées à Matignon. Samedi, Luc Carvounas, égrenant les départements, promettait ainsi aux journalistes un «rassemblement, très naturellement», autour de Valls dans les prochains jours. Le patron des sénateurs socialistes, Didier Guillaume, ne devrait pastarder à annoncer un soutien très clair au Premier ministre, qui peut récolter aujourd'hui les graines semées lorsqu'il était à l'Intérieur. Grâce à Beauvau, il a pu tisser son propre réseau d'élus locaux. D'autres grands élus classés «hollandais» devraient suivre comme les jeunes maires de Rennes (Nathalie Appéré) et Nantes (Johanna Rolland) ou le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, pourtant aubryste, Mathieu Klein. L'entourage de Valls revendique également le maire de Montpellier, Philippe Saurel. Cet autre «sabra» vallsiste a été exclu du PS après s'être présenté - et avoir gagné - contre un socialiste désigné. Il a plutôt, ces derniers temps, montré son intérêt pour la démarche d'Emmanuel Macron. De plus, par l'intermédiaire de Guillaume Lacroix, numéro 2 du PRG et membre de son propre cabinet, Valls est très bien connecté aux Radicaux de gauche. Une victoire à la primaire pourrait aider à débrancher la candidature de Sylvia Pinel à la présidentielle.
Les ministres: Jean-Marie Le Guen, Jean-Jacques Urvoas, Pascale Boistard, Laurence Rossignol
Officiellement, ils ne sont que deux à avoir l'étiquette officielle de «vallsiste» : le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, et le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen. Mais au sein des secrétaires d'Etat, le Premier ministre a su conquérir plusieurs soutiens. Depuis longtemps favorable a ses positions, Pascale Boistard (Personnes âgées) a été rejointe depuis quelques mois par l'ex-aubryste Laurence Rossignol (Familles). Plus le quinquennat avançait et plus la «méthode» Valls - davantage que ses idées - a séduit de jeunes membres du gouvernement. On a ainsi entendu Estelle Grelier (Collectivités locales), Myriam El Khomri (Travail) ou encore Axelle Lemaire (Numérique) expliquer combien le «soutien» et les «arbitrages tenus» par le Premier ministre dans leurs bras de fer avec, respectivement, Jean-Michel Baylet ou Emmanuel Macron, avaient été appréciés. «Son côté clair et carré a beaucoup plu, fait valoir un jeune élu socialiste. Beaucoup considèrent qu'il est plus facile de bosser avec lui qu'avec Hollande.» Dès la semaine dernière, le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, faisait comprendre qu'il préférait désormais Valls à Hollande… Si, au sein du gouvernement, Stéphane Le Foll (Agriculture), Marisol Touraine (Affaires sociales) et Najat Vallaud-Belkacem (Education nationale) attendent de connaître la ligne Valls pour le soutenir, le Premier ministre pourra compter sur des poids lourds de la hollandie, comme Jean-Yves Le Drian (Défense) ou Michel Sapin (Economie et Finances). Le premier, qui avait déjà poussé Valls à Matignon en lieu et place d'Ayrault, a déjà jugé le Premier ministre «le mieux placé pour assurer [la] fonction» de président de la République si Hollande renonçait. Sapin l'avait, lui, qualifié de «candidat naturel» si le chef de l'Etat n'y allait pas. Valls n'aura également pas de mal à obtenir le soutien de Ségolène Royal (Ecologie), Bernard Cazeneuve (Intérieur) ou Patrick Kanner (Ville, Jeunesse et Sports). Cela risque d'être plus compliqué pour Jean-Marc Ayrault (Affaires étrangères) qu'il a poussé hors de Matigon en 2014.
La société civile: Caroline Fourest, Zaki Laïdi, Stéphane Fouks, Alain Bauer, Gilles Kepel
Avec ses deux amis de plus de trente ans, Stéphane Fouks et Alain Bauer, Manuel Valls se sait en confiance. Et bordé. Ces trois-là se sont connus sur les bancs de la fac de Tolbiac. Et ont juré fidélité à la deuxième gauche de Michel Rocard. Visiteurs du soir, Bauer et Fouks parlent au Premier ministre plusieurs fois par semaine. Au téléphone ou par SMS. Le premier ratisse le milieu des francs-maçons et du renseignement. Le second met à disposition son important carnet d'adresses des milieux économiques, qui a été longtemps la grande faiblesse de Valls. Un impressionnant râteau qui ramasse toutes les infos qui traînent dans les salons parisiens. Même en tant que vice-président de Havas, Fouks a toujours un peu de temps à consacrer à son vieil ami. Auprès des journalistes politiques, il distille la bonne parole, décrypte les stratégies des uns et des autres. Et distribue quelques vilenies. On ne connaît pas de patron ouvertement vallsiste. Mais dans son entourage, on retrouve les traces des très rares sociaux libéraux du CAC 40. Comme l'ancien copain de DSK Paul Hermelin, le patron de Capgemini, qui a longtemps été la seule carte du PS du CAC. Mais aussi Alexandre Bompard, le patron de la Fnac, pour qui le gouvernement avait concocté un amendement sur mesure sur le travail du dimanche, ou encore Stéphane Richard, PDG de France Télécom. Et enfin, Laurence Parisot, l'ancienne patronne du Medef.
Dans le milieu intellectuel, Valls a surtout noué ses amitiés et relations à partir de son grand marqueur idéologique : la laïcité. Il est proche depuis longtemps de l'essayiste et ancienne chroniqueuse de Charlie Hebdo Caroline Fourest. Comme de Richard Malka, qui, en plus d'être l'avocat du journal satirique, a défendu le Premier ministre dans plusieurs dossiers. La polémique cet été sur le burkini l'a rapproché un peu plus encore d'Elisabteh Badinter et accessoirement du politologue Laurent Bouvet, qui a fait des questions identitaires et de souveraineté un cheval de bataille politique. Enfin, il partage les grandes lignes du spécialiste de l'islam Gilles Kepel, qu'il a reçu à plusieurs reprises à Matignon.
Et dans la sphère culturelle, Valls est notamment proche du metteur en scène de théâtre Bernard Murat et du patron du label de musique Tôt ou tard, Vincent Frèrebeau. «Mais attention, prévient un proche de Valls, tout cela ne fait pas forcément un comité de campagne.» Merci de le préciser.