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Social : ce qui différencie Valls, Hamon, Peillon, et Montebourg

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Si les principaux candidats à la primaire de la gauche font souvent des propositions qui se recoupent, ils ont aussi exprimé des idées qui les distinguent les uns des autres, notamment en ce qui concerne le social.
Tous les quatre membres du premier gouvernement de François Hollande en 2012, Manuel Valls, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon s'affrontent aujourd'hui à la primaire de la gauche. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
publié le 3 janvier 2017 à 20h29

Instaurer une part de proportionnelle à l'Assemblée nationale ? Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Benoît Hamon sont pour. Porter à 2% du PIB le budget de la Défense ? Manuel Valls et Vincent Peillon sont d'accord. Augmenter le nombre de policiers ? Ceux qui ne sont pas pour ne sont pas contre. Si les principaux candidats à la primaire de la gauche sont parfois issus de courants politiques assez éloignés, comme Hamon et Valls, il est difficile de trouver dans leurs projets des propositions qui les distinguent vraiment les uns des autres. C'est pourtant ce qu'a essayé de faire Libération, en sélectionnant quelques-unes de leurs idées originales.

Manuel Valls veut promouvoir le pouvoir d’achat des ménages modestes

• Mettre en place le «revenu décent»

L'idée n'est pas nouvelle et avait déjà été évoquée par l'ancien Premier ministre en décembre. Afin de rendre les aides «plus lisibles» et d'en simplifier l'accès, Manuel Valls veut instaurer une nouvelle forme d'allocation qui fusionnerait les minimas sociaux existants. Le «revenu décent» serait «attribué, sous conditions de ressources, à toute personne âgée de plus de 18 ans et résidant régulièrement sur le territoire national», annonce-t-il ce mardi dans son programme. «L'accès devra être aussi simple et légitime que de bénéficier d'allocations familiales lorsqu'on a des enfants ou du remboursement de ses soins lorsqu'on est malade», est-il précisé dans le texte.

Contrairement à la proposition de Benoît Hamon qui souhaite mettre en place un «revenu universel d'existence», il ne s'agit pas chez Manuel Valls d'un montant «versé à tous indifféremment», mais d'«un revenu versé à ceux qui en ont besoin», a expliqué l'ancien chef du gouvernement. Ce «revenu décent», déclenché en fonction d'un seuil de ressources qui n'a pas été précisé, s'élèverait jusqu'à 800 et 850 euros pour une personne seule : un montant plus élevé que le RSA, mais qui reste en dessous du Smic. Dans l'idée de Manuel Valls, ce revenu s'adresse notamment aux 18-25 ans en manque d'autonomie, en rupture ou aux personnes en période de transition professionnelle. «Un droit à l'audace et à l'échec doit être reconnu», plaide Manuel Valls. Il estime que la mise en place de cette mesure, gérée par la branche famille de la Sécurité sociale, coûterait 8 milliards d'euros.

• Augmenter de 10% la retraite minimale à taux plein

Une pensée pour l'électorat plus âgé : pour réduire le nombre de personnes retraitées isolées ou victimes d'exclusion sociale, Manuel Valls propose de revaloriser «autant que possible» les petites retraites et précise que «la retraite minimale de ceux qui ont assez cotisé pour avoir une retraite à taux plein sera augmentée de 10%». Les retraités d'Outre-mer devraient également voir leur traitement revu à la hausse.

• Défiscaliser les heures supplémentaires

Supprimées à l'arrivée de la gauche au pouvoir en 2012, les heures supplémentaires défiscalisées font leur retour dans le programme de Manuel Valls. Comme il l'avait annoncé en décembre, il réhabilite cette mesure sarkozyste, votée en 2007, et dont la suppression avait, selon lui, nuit au pouvoir d'achat des travailleurs français.

«Je veux récompenser la prise de risque et l'effort, remettre le mérite en avant. Cela commence par une rémunération concrète», justifie désormais le candidat, sans oser répéter la formule de Nicolas Sarkozy, «travailler plus pour gagner plus». Selon un rapport de 2011 des députés Jean Mallot (PS) et Jean-Pierre Gorges (UMP), quand il avait été mis en place, le dispositif avait représenté 4,5 milliards d'euros de dépenses publiques par an, et bénéficié à plus de neuf millions de salariés, pour un gain annuel moyen d'environ 500 euros. Les détracteurs de cette mesure estiment qu'elle est néfaste pour l'emploi, les entreprises préférant recourir aux heures supplémentaires qu'aux embauches.

• Supprimer le numerus clausus pour les études médicales

Environ 80% des étudiants échouent à l'issue de leur première année d'études de santé. L'accès aux études de médecine est limité en France par un numerus clausus que Manuel Valls veut supprimer pour lutter contre les déserts médicaux. Cette mesure permettrait d'après lui de former un plus grand nombre de professionnels de santé et de mieux les répartir sur le territoire. Un «grand plan de la médecine de proximité», dont les contours ne sont pas détaillés, serait mis en place en parallèle.

• Organiser un «islam de France»

L'ancien Premier ministre veut «bâtir un islam enraciné dans la République», qu'il appelle «islam de France». Sans formuler de proposition nouvelle sur le sujet, il s'appuie sur des décisions prises alors qu'il était membre ou chef du gouvernement : la création de la Fondation pour l'islam de France, autour de Jean-Pierre Chevènement, les formations des imams dans des universités françaises et la création d'une instance de dialogue avec l'islam de France. «Il appartient aux musulmans de se défendre contre ces obscurantismes qui peuvent guetter. C'est à eux d'abord, de se mobiliser, de se former, de transmettre nos valeurs. Mais la République doit aussi les protéger et les aider», détaille Manuel Valls.

Vincent Peillon met le paquet sur les ménages modestes et les retraités

• Créer un service public des maisons de retraite

Lorsqu'une personne âgée perd trop d'autonomie pour vivre chez elle, devient veuve, ou tombe malade, de nombreuses familles se trouvent dans une situation complexe : faut-il l'accueillir chez soi ? Lui trouver une place en maison de retraite ? La première solution demande, sinon de l'envie, du temps et de l'espace. La seconde, de l'argent. Parfois beaucoup (trop). En moyenne, les 15 millions de retraités français touchent 1 066 euros nets mensuels, selon l'Assurance retraite. Or, vivre en maison de retraite coûte au minimum le double – et encore, quand la personne est autonome – et, si les tarifs des soins sont conventionnés, ce n'est pas le cas pour la partie «hébergement». S'il existe des aides au logement, comme les APL ou l'aide sociale à l'hébergement (ASH), pour payer, elles sont rarement suffisantes.

Les établissements publics, type Ephad (qui passent une convention avec l'Etat et les conseils généraux), sont un peu moins coûteux, mais ils disposent de peu de places. Vincent Peillon propose donc de créer un véritable service public des maisons de retraites «qui visera à offrir aux personnes qui en ont besoin un séjour gratuit ou à contribution extrêmement faible, sous conditions de revenus et de patrimoine. Dix-mille places par an seront ainsi créées, soit 50 000 sur le quinquennat et 250 000 à l'horizon 2040.» Côté financement, Vincent Peillon veut faire couvrir les frais en tenant compte du patrimoine de la personne, en utilisant son allocation personnalisée d'autonomie (APA, 620 euros/mois) pour une partie des coûts, et laisser l'Etat compléter à hauteur de 300 millions d'euros par an.

• Mettre en place un bouclier fiscal pour les ménages modestes

Une autre idée de Vincent Peillon que l'on n'a pas retrouvée chez ses compétiteurs, c'est celle de créer un bouclier fiscal pour les ménages les plus modestes. Car si l'impôt sur le revenu est progressif, la TVA ou la taxe d'habitation, par exemple, ne dépendent pas des revenus de ceux qui les payent. Ainsi, les ménages modestes peuvent se retrouver à payer à l'automne une taxe représentant une part plus importante de leurs revenus que les ménages plus à l'aise. «Elle représente en moyenne 42% du revenu mensuel pour un Français au Smic, dénonce le candidat dans son programme, mais 32% pour un contribuable qui gagne 2 600 euros par mois.»

Le plafonnement de l'imposition, qui existe pour les ménages les plus riches (à 50% des revenus sous Sarkozy, puis à 75% sous Hollande), «doit pouvoir être transposé au bénéfice des Français aux revenus les moins élevés», écrit donc le candidat dans son programme. La taxe foncière serait également concernée par ce dispositif. Il s'agirait de calculer un ratio entre les impôts (sur le revenu et ceux non dépendants du revenu) et le revenu des ménages, et, au-delà d'un certain seuil (qui n'a pas été encore déterminé), les ménages bénéficieraient d'un crédit d'impôt conséquent. Vincent Peillon évalue le coût de cette proposition à 2 ou 3 milliards d'euros.

Benoît Hamon : à gauche toute !

• Créer un revenu universel d’existence

Recevoir 535 euros par mois (puis 750 euros, plus tard), sans avoir à le demander et qu'on en ait besoin ou pas, c'est ce que propose Benoît Hamon pour toute personne majeure. Son projet, c'est de fusionner ainsi un certain nombre de minimas sociaux, de lutter contre le non-recours aux aides sociales et de permettre à chacun, indépendamment des revenus de ses parents ou de ses revenus personnels, de s'engager dans l'associatif, de passer du temps à monter son entreprise ou à étudier, de dégager du temps pour s'occuper d'un parent âgé ou une autre activité utile socialement, etc. L'idée, qu'a commencé à expérimenter la Finlande sous une forme similaire, serait coûteuse, puisque le candidat l'évalue à au moins 300 milliards d'euros par an. «Des aides seront englobées dedans. L'individualisation de l'impôt sur le revenu peut immédiatement dégager 24 milliards d'euros. On sait très bien qu'avec l'évasion fiscale, il y a un manque à gagner de 80 milliards. Il y a 84 milliards de niches fiscales, donc les pistes existent.» avait précisé Benoît Hamon sur RTL fin septembre. Pour bien comprendre la différence avec le revenu décent que propose Manuel Valls, on vous a concocté ici un comparatif.

• Légaliser le cannabis

Le député socialiste propose de légaliser le cannabis, ce qui, selon lui, permettrait de «tarir l'économie souterraine et les violences» et de faire plus de prévention que de répression. Sur cette question, Benoît Hamon est plus proche des «petits candidats» à la primaire, la radicale Sylvia Pinel et les écologistes François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias, que de ses camarades socialistes, qui évoquent parfois la santé publique pour justifier leur refus de légaliser cette drogue douce. Benoît Hamon ne met pas en avant dans son programme les revenus que l'Etat pourrait ainsi engranger, via la taxation de ce secteur, mais la légalisation dans certains Etats américains, comme le Colorado, montrent que des espoirs de recettes pour l'Etat ne sont pas déraisonnables.

• Reconnaître le «burn-out» comme maladie professionnelle

C'est le grand sujet de Benoît Hamon : faire reconnaître le «burn-out», c'est-à-dire la souffrance psychologique et l'épuisement né d'un travail trop intense et/ou stressant, comme une maladie professionnelle. Jusqu'ici, un salarié atteint d'un burn-out ou qui décide de démissionner pour consacrer du temps à se ressourcer, voire se reconstruire, peut demander les allocations chômage. Il peut également être placé en arrêt maladie. Or, selon Benoît Hamon, c'est déresponsabiliser les entreprises et faire porter à l'Etat le poids de leurs mauvaises pratiques (managériales notamment). «Grâce à cette mesure, les entreprises seront reconnues responsables de la souffrance au travail de leurs salariés. Elles seront contraintes soit d'en assumer le coût (soins, prévention), soit de modifier en profondeur leurs méthodes de management», écrit le candidat dans son programme.

• Taxer les robots pour financer la protection sociale

L'idée ne semble à première vue pas d'une modernité folle – Libération en parlait déjà en 1998 –mais Benoît Hamon y tient : il propose de «taxer les robots», c'est-à-dire d'inclure les robots dans le calcul de la richesse créée lorsqu'une machine vient remplacer le travail humain dans une entreprise. Le député propose en fait de «transférer les cotisations patronales assises sur le travail vers une taxe sur la valeur ajoutée ou le chiffre d'affaires» qui viendrait financer la protection sociale, comme il l'a indiqué aux Echos. Et de préciser au journal économique : «Quand je parle de la taxe sur les robots, c'est pour que tout le monde comprenne bien que le travail ou l'intelligence humaine ne sont plus les seuls facteurs de création de richesses.» Une idée peut-être pas si obsolète.

Montebourg se démarque sur la santé

• Créer une mutuelle publique à prix modéré

Partant du constat que «36% des Français ont renoncé à se soigner l'année dernière en raison du reste à charge trop important», Arnaud Montebourg propose de mettre en place «une mutuelle de la sécurité sociale à prix modéré pour protéger les Français qui ne peuvent bénéficier de la CMU et qui ne peuvent s'offrir des mutuelles privées, trop chères». Concrètement, cette mutuelle publique à prix modérés pourrait concerner un à deux millions de Français et serait gérée par la Sécurité sociale. Arnaud Montebourg se positionne ainsi en contrepoint d'un François Fillon dont le volet santé a soulevé bien des inquiétudes. Arnaud Montebourg propose par ailleurs la création de 5 000 emplois hospitaliers.