Pendant la campagne, Libération va sonder, chaque jour de la semaine, six lieux différents de la «France invisible». Aujourd'hui, une maison de retraite à Montpellier.
Autour de la table, six femmes, deux hommes. Agés de 79 à 97 ans, tous résidents aux Glycines, un établissement pour personnes âgées situé près du centre de Montpellier. Leurs jambes ne les portent plus guère, mais leur tête marche encore vite. La preuve : ces seniors suivent tous la campagne pour l’élection présidentielle.
Iront-ils voter ? Quelle question ! «Dans certains pays, on se fait tuer pour avoir le droit de vote. Ne pas s'en servir, c'est lamentable», tranche sévèrement Josette, 82 ans. Personne ici ne regrette le renoncement de François Hollande. Marie-Rose, 97 ans, enfonce même le clou : «C'est la meilleure chose qu'il avait à faire.» Certains savent déjà à quel candidat ils donneront leur voix. Mireille, 93 ans, annonce d'une voix décidée : «Moi, je vote Macron. J'en ai assez d'entendre dire qu'il est trop jeune et qu'il n'a pas assez d'expérience ! Et puis, il est courageux : il a osé épouser une femme âgée de 20 ans de plus que lui.» «Mais Macron, il n'a jamais été élu», rappelle Fernande.
Maurice, 85 ans, avoue hésiter encore entre Macron et Fillon, tout en précisant qu'il a toujours voté à droite. Il confirme : «Oui, Macron, je le place plutôt à droite…» Marie, 86 ans, a elle aussi fait son choix. Ce ne sera ni Montebourg («Ah non ! Celui-là, il a mal agi avec Audrey Pulvar !»), ni Valls («Il a sauvé plusieurs fois ses idées avec le 49.3, et maintenant il veut le supprimer. Comment peut-on être versatile à ce point ?»). Non : pour Marie, ce sera Fillon. Quoique. «Il met trop sa religion en avant alors qu'il doit représenter tous les Français. Ça m'inquiète.» Assis près d'elle, Maurice acquiesce.
Fernande, elle, a toujours voté à gauche, et ce n'est pas à son âge (qu'elle préfère d'ailleurs taire) qu'elle va bifurquer à droite : «Je pense que je vais aussi voter aux primaires. Mais j'espère qu'il ne faudra pas payer !» Pour sa part, Bernard, 79 ans, ne formule qu'un regret : «Parmi les candidats, une fois encore, il va n'y avoir presque que des hommes. C'est dommage que la démocratie soit amputée de l'opinion des femmes…»
Pour l’heure, tous ici partagent une même crainte : celle de ne pouvoir aller voter – à cause d’un problème de santé, d’une procuration difficile à établir, ou d’un enfant qui ne peut les accompagner. Leurs mains tremblent peut-être, mais elles sont impatientes de glisser un bulletin dans l’urne.