Tous d’accord. Candidats de droite et de gauche, impétrants à la primaire scandent qu’il faut changer les institutions. Après deux quinquennats de défiance record, des 49.3 à répétition, quelques nuits debout et les balbutiements d’une démocratie 2.0, les impatients – dont je suis – diront : enfin !
Dans cette amorce de printemps démocratique, toutes les audaces semblent possibles : non-cumul des mandats dans le temps, revalorisation du Parlement, suppression du 49.3, démocratie directe revivifiée, VIe République, référendum constituant. Toutes sauf une : le rôle et les pouvoirs du président. Cela, on ne touche pas. Certains à droite vont même jusqu'à proposer de mettre en vacances le Parlement à peine élu puisqu'un président éclairé peut traiter seul des problèmes, quand bien même ils dateraient de plusieurs décennies, grâce à quelques ordonnances bien senties.
La réalité me semble plus triviale. La fonction présidentielle telle qu'elle est institutionnellement fixée aujourd'hui condamne celui qui l'occupe à l'échec et de surcroît au désamour immédiat. Définie avant la mondialisation, avant l'Union européenne, avant l'émergence d'une société qualifiée et critique, cette fonction est désormais mission impossible. Avec le couplage du temps présidentiel et législatif, le président est comptable de tout : la moindre décision gouvernementale, les nominations, les sommets internationaux, les théâtres militaires dans lesquels la France est engagée, les nouveaux risques, les visites d'Etat et de terrain. Un job infernal sous pression permanente du quotidien. On s'étonnerait presque qu'il y ait autant de candidats au suicide politique.
Une présidence concentrée sur trois ou quatre missions
Le septennat non renouvelable : la solution ? Je ne le crois pas. Deux années d'activité frénétique de plus ne feront qu'aggraver les maux du pays et les souffrances du président. Croire qu'en libérant le chef de l'Etat de la perspective de sa réélection, on le libérerait des liens qui l'entravent est une erreur de diagnostic : le président n'est pas entravé ; il est surchargé.
Adresse aux candidats. Soyez candidats à une présidence qui ne soit pas omnipotente, mais concentrée sur les missions sur lesquelles la nation vous attend – place de la France dans le monde, défense et sécurité, garantie des principes républicains, du fonctionnement de nos institutions – et focalisée sur trois ou quatre priorités de réforme qui caractériseront votre présidence. Et donnez au Premier ministre, choisi par vous et responsable devant une Assemblée aux pouvoirs renforcés, le véritable pilotage de l'action quotidienne du gouvernement.
Bref, proposez que soient supprimés les articles 9 et 13 de notre Constitution : plus de présidence hebdomadaire du Conseil des ministres et de cosignatures de tous les décrets et nominations. Ainsi redéfinie, votre présidence pourra assurer les intérêts essentiels du pays, garantir l’accomplissement des réformes que vous jugez vitales et produire le sens et les repères que la pression permanente de l’actualité rend impossible, traitant ainsi l’une des sources de notre mal-être démocratique.