Le vendredi, Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, chronique la campagne.
«Dans le monde merveilleux de la campagne présidentielle où il suffit de dire "je veux" pour que les problèmes soient réglés - en cent jours s’il vous plaît -, recherche et université sont des gros mots soigneusement évités. Doute, esprit critique, humilité, temps long, patience : quel horrible cortège en ces temps où doivent primer l’utilité immédiate et la réaffirmation d’une autorité martiale.
«Les Français aiment leur université. On se bouscule comme jamais à ses portes, ses enseignements sont plébiscités (le taux de satisfaction des étudiants sur l’enseignement en licence est de 86 %), les territoires se réorganisent autour d’elle. Y accéder devient le levier privilégié de la mobilité sociale. Et la France arbore prix Nobel, médaille Fields et autres distinctions prestigieuses comme l’évidence de son inexpugnable puissance.
«Voire, la compétition mondiale se déchaîne sur fond d’engagements publics et privés renforcés. En dix années, quand Anglo-Saxons et pays nordiques approchent les 3 % du PIB en recherche et développement, la France campe autour de 2,25 %. Et les enjeux de demain (intelligence artificielle, science des données, exploration du vivant, sciences de l’environnement, structure de l’univers, sciences de l’homme) nécessiteront des dépenses nouvelles en formation et en recherche. Ne pas préparer les Français à ces évolutions, c’est renoncer.
«Durant les huit années de sa présidence, chaque vendredi, deux heures durant, le président Obama recevait son conseiller pour la science et la technologie. La primaire de droite n’y aura pas consacré deux minutes, celle de gauche a vu le candidat qui s’y engageait brutalement interrompu par un journaliste qui trouvait le sujet incongru. Les suppressions d’emplois publics annoncées à droite prétendent épargner policiers, militaires et magistrats, mais professeurs et chercheurs jamais.
«Que ceux qui croient à la puissance publique se lèvent. Notre matière grise est notre seule matière première. Au moment où l’université anglaise est tétanisée par le Brexit, tandis que Donald Trump considère les campus comme des regroupements de dangereux agitateurs gauchistes, la connaissance est l’arme de notre attractivité. Est-il plus beau défi que de restituer à la puissance publique un peu de sa puissance perdue en lui donnant un coup d’avance ?»