Jeudi soir au QG de campagne de Marine Le Pen, dans le VIIIe arrondissement de Paris. La journée s'achève, l'atmosphère se détend peu à peu. L'équipe web de la candidate du Front national met de la musique. Yann Le Pen, sœur de Marine et mère de Marion Maréchal, rigole avec des proches dans son bureau. La présidente du Front fait, elle, les cent pas dans le couloir en échangeant avec un membre de son équipe. Voix calme, elle lui demande de modifier un argumentaire : «Il faut ajouter des phrases contre l'euro, il faut dire que l'euro est utilisé comme une arme pour nous imposer d'autres politiques. S'il y a des pays qui veulent rester dans la zone euro, ils peuvent le faire, mais ils ne peuvent pas nous l'imposer.» Une répétition du discours qu'elle tiendra samedi à Coblence en Allemagne ?
Veste rouge et talons hauts, elle se prépare pour une soirée chargée : rencontre avec la députée italienne Daniela Santanché (Forza Italia) et la nièce de Silvio Berlusconi, suivie d'une rencontre avec des donateurs du Front national. Surgit alors un visiteur anglophone, venu la saluer : «Est-ce qu'on peut prendre une photo ensemble dans le bureau ?» Elle accepte : «Oui, mais devant le drapeau français.» Ils passent ensemble devant un grand «Au nom du peuple» collé au mur et entrent dans la pièce. Les autres invités, entrepreneurs et avocats, arrivent par une entrée secondaire : la rencontre, réservée aux donateurs et à la délégation italienne, est interdite aux journalistes. Impossible d'y accéder et surtout de voir les participants. A cet instant, un membre de l'équipe rentre chez lui et lâche un «tschüs» – «salut» en allemand – à ses collègues.
Inter
L’Italienne invitée est une amie de longue date de Marine Le Pen. La première fois qu’elles se sont rencontrées, en 2010, Daniela Santanché était sous-secrétaire du gouvernement de Silvio Berlusconi. Elle a été conviée cette fois-ci par la présidente du Front national pour parler de la campagne électorale et de la situation italienne. La députée est venue avec son compagnon, le prince Dimitri D’Asburgo Lorena, et la nièce de Berlusconi. Cette dernière ne fait pas de politique, mais sa présence signifie que son oncle est au courant de la visite.
«Ciao Daniela», «Ciao Marine, bonne année !» : les deux femmes se saluent comme de vieilles amies. Le début de la conversation porte sur l'élection d'Antonio Tajani à la présidence du Parlement européen. Un très proche de Berlusconi, mais peu apprécié de Le Pen. La candidate FN évoque ensuite le leader du Mouvement 5 étoiles, Beppe Grillo, et sa stratégie chaotique au Parlement européen : «On a réussi à convaincre un de ses députés de nous rejoindre.» Une référence à Marco Zanni, qui a adhéré au groupe mené par le Front national au Parlement européen. Le Pen partage également la position de Santanché, qui veut que Forza Italia renoue avec la Ligue du Nord, avec laquelle son parti est en froid depuis 2013.
«Marine dit que Macron finira comme Renzi»
La députée italienne raconte la fin du rendez-vous : «Marine m'a dit qu'elle se sent en position de force par rapport aux élections. Elle dit que François Fillon a très peu de chances de gagner et qu'Emmanuel Macron est comme Matteo Renzi : la presse le soutient, il sourit tout le temps, mais il finira comme Renzi [il a récemment dû quitter la présidence du conseil après la victoire du «non» au référendum qu'il avait initié, ndlr]. La stratégie de Marine maintenant, c'est de passer du temps avec le peuple».
A 20h30, Santanché et ses amis sont conduits au troisième étage pour un cocktail privé : «J'ai été surprise. Je ne m'attendais pas à tant de monde. Il y avait des entrepreneurs assez connus en France et des avocats. En Italie on pense que personne ne veut soutenir Le Pen, mais c'est le contraire. Et j'aime son attitude : elle a du charisme.» Pas trop populiste pour Daniela Santanché ? «Est-ce que le peuple est quelque chose de mauvais ? Moi je suis toujours au côté du peuple», affirme la députée, avant de quitter les lieux.