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Libération
Ecologie dans la primaire 5/5

Comment les candidats à la primaire comptent-ils financer la transition énergétique ?

Cinquième et dernier volet de notre série : il est consacré aux moyens que compte donner Montebourg, Peillon, Valls et Hamon pour le passage aux énergies renouvelables dans une stratégie économique cohérente.
Des éoliennes à Condy-sur-Canche, dans le nord de la France. (Photo Philippe Huguen. AFP)
publié le 20 janvier 2017 à 18h00

Libération termine sa série consacrée aux questions écologiques dans la primaire de la Belle Alliance populaire en se penchant sur les propositions des candidats pour financer la transition énergétique. Les quatre précédents volets étaient consacrés aux grands projets contestés, aux politiques de transports, à l'énergie et à l'alimentation.

L'après-pétrole et l'après-nucléaire, ils y pensent. Mais les candidats à la primaire savent-ils comment y parvenir ? A deux jours du premier tour de scrutin, passage en revue des propositions.

Arnaud Montebourg : l’Etat «exemplaire»

L'ancien ministre du Redressement productif mise sur un plan d'investissement public-privé de 100 milliards d'euros sur cinq ans consacré à la transition énergétique. «Soit, chaque année, 4 milliards d'argent public et 16 milliards d'argent privé», a-t-il détaillé lors de sa venue à Libération. L'idée serait de s'appuyer sur la Caisse des dépôts et consignations (CDC), bras armé financier de l'Etat qui gère l'épargne des Français, mais aussi d'inciter les acteurs privés à financer des projets vertueux en offrant une garantie publique.

Quatre milliards seraient consacrés chaque année à la rénovation thermique des logements et l'Etat se voudrait, sur ce point, «exemplaire». La mise aux normes des bâtiments publics serait entamée «très rapidement», explique Valentin Przyluski, spécialiste des questions environnementales dans l'équipe d'Arnaud Montebourg.

Sur le plan énergétique, l'agenda serait calé sur la programmation pluriannuelle de l'énergie adoptée en octobre, mais les enveloppes dédiées à la recherche seraient réorientées vers les énergies propres. Là encore, les groupes dont l'Etat est actionnaire seraient invités à coller au plus vite au «zéro carbone», puisque Arnaud Montebourg s'est engagé à assurer le désinvestissement des énergies fossiles «dans l'ensemble du périmètre de l'Etat en dix ans».

Le candidat entend aussi accompagner la transformation des institutions financières, notamment via des «tests» mesurant l'impact environnemental de leurs investissements. «Quand vous pariez sur du carboné [des activités émettrices de dioxyde de carbone, ndlr], on estime que vous allez à la banqueroute dans dix à vingt ans. On va donc demander à la banque soit de vendre ces actifs, soit d'investir plus dans le secteur vert», explique Valentin Przyluski.

Enfin, pour inciter les citoyens à participer à «l'engagement collectif», le financement participatif et les monnaies locales seraient encouragés. Arnaud Montebourg veut aussi créer un label pour les petits projets écologistes, qui permettra la défiscalisation des dons de particuliers sur le modèle des dons pour des associations culturelles ou humanitaires.

François de Rugy : la baisse de la facture énergétique

Dans le même esprit, François de Rugy veut lancer une société de financement de la transition écologique, pilotée par la CDC et des acteurs privés. Son but ? S'appuyer sur des emprunts de long terme contractés par la Caisse des dépôts et consignations, pour financer jusqu'à 100 milliards d'euros de travaux de rénovation énergétique sur dix ans. En voyant ses missions réorientées, la CDC deviendrait le principal financeur de la transition énergétique et serait chargée d'assurer, pour les investisseurs, des prêts à des taux très faibles et sur une longue durée. L'ensemble du bâti, public et privé, ainsi que les réseaux de chaleur, serait concernés par la rénovation.

Les citoyens propriétaires pourraient aussi bénéficier de subventions pour le diagnostic énergétique de leur logement, de facilités pour réaliser les travaux (crédits à taux zéro, garantie d'emprunt, tiers financements). Lors du deuxième débat, le député de Loire-Atlantique a promis qu'il pourrait ainsi «faire baisser la facture énergétique des ménages de 25% d'ici cinq ans».

Côté recettes, François de Rugy se prononce sans surprise en faveur d'une taxation accrue de la pollution et des déchets, et du rétablissement de la taxe poids lourds (ou «écotaxe», sur laquelle le gouvernement avait reculé) au profit de la SNCF. Par ailleurs, les avantages fiscaux pour les projets défavorables à l'environnement seraient supprimés d'ici la fin du quinquennat. Enfin, la sortie progressive du nucléaire doit permettre de dégager une marge financière, avec la réduction des sommes consacrées aux travaux de rénovation.

Vincent Peillon : le pari de la recherche 

Vincent Peillon propose, lui, de se servir des financements européens pour investir dans le domaine environnemental… mais aussi le numérique, les télécommunications, la recherche, l'innovation, la formation, la jeunesse. Montant total ? 1 000 milliards d'euros. Reste à préciser quelle répartition serait faite de cet argent.

Autre axe important pour l'ancien ministre de l'Education : il veut injecter 5 milliards pour l'enseignement supérieur et la recherche au cours du quinquennat et précise que «l'attention devra porter en particulier sur les énergies renouvelables, sur le stockage de l'énergie, sur la capture du CO2, sur le véhicule propre, sur la biodiversité et sur les usages du numérique favorables à la réduction de notre impact environnemental».

Côté recettes, le candidat veut supprimer les subventions «nuisibles à l'environnement» et renforcer la fiscalité écologique. Il se prononce notamment en faveur d'une taxe carbone (taxe sur les émissions de gaz à effet de serre) au niveau européen. Enfin, une part de la taxe sur les transactions financières serait consacrée à un fonds pour le développement durable. Comme il l'a précisé lors du deuxième débat, Vincent Peillon veut aussi protéger les ménages modestes en incluant la fiscalité verte dans le «bouclier fiscal» qu'il défend.

Benoît Hamon : la valorisation des produits «vertueux»

Benoît Hamon, qui insiste régulièrement sur le coût de l'entretien et de la maintenance de notre parc nucléaire, veut s'appuyer sur le mouvement de «la société civile, des chercheurs et des spécialistes» pour réussir la transition énergétique, comme l'indique un document publié sur le site de son porte-parole Régis Juanico.

Lui aussi souhaite mettre en place un vaste plan de rénovation énergétique des bâtiments publics et privés sur le quinquennat qui commencera par les logements sociaux via «une enveloppe» de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et une prime aux bailleurs considérés comme vertueux. Le secteur privé sera soutenu par des aides «conditionnées au recours à des artisans labellisés». Le député des Yvelines a aussi annoncé un plan d'investissement massif pour que les foyers s'équipent en matériel de production d'énergie renouvelable domestique et pour aider EDF à valoriser la production d'énergie renouvelable. Le montant n'a pas été précisé.

Côté recettes, Benoît Hamon propose une TVA différenciée qui favoriserait les produits respectueux du développement durable. La fiscalité écologique sera aussi renforcée en faveur des industriels les plus vertueux, alors que l'avantage fiscal accordé au diesel disparaîtrait. Enfin, comme Arnaud Montebourg, il veut mettre l'épargne des Français au service de la transition écologique et instaurer un label «transition énergétique» sur les produits financiers.

A l'échelle européenne, Benoît Hamon veut «peser» pour que les investissements publics en faveur de la transition écologique ne soient plus comptabilisés dans les 3% de déficit.

Manuel Valls : la communauté de l’énergie

L'idée du grand plan d'investissement public-privé est également présente dans le programme de Manuel Valls. Pour l'ancien Premier ministre, il s'agit de donner «la priorité aux projets à portée européenne dans les secteurs de la transition énergétique et de la révolution numérique». Manuel Valls veut construire une «communauté de l'énergie qui aurait pour fil conducteur la transition énergétique afin de décarboner l'économie européenne». Elsa Di Meo, présidente de la commission «Développement soutenable, environnement, énergie et climat» du PS et porte-parole du candidat, évoque «l'esprit de la CECA [Communauté européenne du charbon et de l'acier, qui a jeté les bases de la future Union européenne, ndlr]» pour décrire ce projet. «La filière bois-énergie du Sud-Ouest de la France peut avoir intérêt à développer une stratégie commune avec le nord de l'Espagne ou de l'Italie», illustre-t-elle.

Manuel Valls insiste également sur l'importance de la mobilisation citoyenne et du secteur privé, estimant que «l'indépendance énergétique part de l'action de chacun d'entre nous, des entreprises, qui peuvent produire une part significative de leurs besoins (solaire, éolien, méthanisation…)». D'ailleurs, promet-il, l'Etat «accompagnera prioritairement les projets de création d'entreprise conduisant à la transformation écologique de notre économie».

Les salariés «seront formés» aux mutations générées, assure le candidat, qui annonce «un comité des partenaires sociaux et des acteurs économiques pour planifier la transition écologique et les transitions professionnelles qui l'accompagnent».