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Primaire à gauche

Voter pour «montrer que la gauche existe encore»

Hamon candidatdossier
Bureau de vote à la Courneuve pour le premier tour de la primaire, le 22 janvier. (Photo Boris Allin pour Libération)
publié le 22 janvier 2017 à 16h34
(mis à jour le 22 janvier 2017 à 16h50)

Tour de France des réactions recueillies ce dimanche dans les bureaux de vote, de Rennes à la Seine-Saint-Denis, à l'occasion du premier tour de la primaire organisée par le PS.

A Rennes, «donner une crédibilité au vote et montrer que la gauche existe encore»

10h45. Cabans, doudounes et casquettes en laine sont de sortie en ce dimanche matin qui a recouvert de givre le parc qui jouxte le groupe scolaire Villeneuve, dans les quartiers sud de Rennes, où les électeurs de la primaire se succèdent sans bousculade mais sans temps mort non plus. «Alors, c'est un peu mou ?», s'inquiète un grand gaillard en jean et chaussures cirées. «Non, non, ça va, il y a du monde tout le temps», le rassure le président du bureau.

Jeunes parents venus en famille ou retraités, beaucoup avouent s'être déplacés pour éviter à la gauche un bide. «C'est une de mes motivations, confirme Alain, 59 ans, inspecteur des impôts. Donner une crédibilité au vote et montrer que la gauche existe encore, même si elle traverse une période difficile.» Pour le reste, les tendances semblent plutôt partagées. «Je suis venu mettre un euro pour dégager Valls, lance Georges, 38 ans, ancien militaire. Il a la mémoire d'un poisson rouge et je n'aime pas son autoritarisme. Je préfère une programmation qui aide les gens à vivre quand le quinze du mois ils sont déjà en galère.» A l'opposé, Bernard, ingénieur en retraite qui ne veut «pas de revenu universel en France», a voté Valls parce que c'est «le plus réaliste et l'anti Hamon».

«Dans le 93, Manuel Valls a fait une campagne très secrète»

Dans une rue du Blanc-Mesnil, un cadre du PS local, avec lequel nous discutions dans une voiture, voit un petit groupe de personnes en train de tracter. Il sort, les toise, puis remonte: «Non, c'est José en fait, il tracte pour le Front de gauche.» Sur la route, il raconte: «Dans le 93, Manuel Valls a fait une campagne très secrète. On n'a pas vu ses soutiens.» En Seine-Saint-Denis, les gens vous parlent volontiers de la primaire de gauche, souvent sur le ton de l'interrogation. Pourquoi le PS a-t-il reculé sur le droit de vote des étrangers? Pourquoi promettent-ils autant alors que mon ascenseur est en panne? Pourquoi Jean-Luc Mélenchon n'est-il pas dans la primaire? Comment comptent-ils financer le revenu universel? Parfois, ça va au-delà : «Ah, c'était aujourd'hui ?» et «surtout pas Manuel Valls».

A Bobigny, Zohra, une petite dame retraitée, réfléchissait tout haut devant un bureau de vote: «Valls a un bon programme, Montebourg aussi… Je touche une petite retraite, j'ai fait un AVC.» Elle est entrée dans le petit immeuble, puis elle a demandé conseil à des voisines. «Tu votes qui?» Dans quelques bureaux du département, une tendance se dégage: Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg, soit, pour beaucoup, pro-revenu universel VS anti-revenu universel.

A Paris, «c’est mieux organisé qu’il y a cinq ans, mais il y a moins de monde»

11 heures, un septuagénaire entre dans l'école élémentaire. Béret bleu marine sur la tête, il salue chaleureusement le président du bureau de vote, Michel, qui lui rend la pareille: «Ah, Édouard!» Ce dernier est manifestement satisfait d'avoir trouvé son bureau sans encombres, dans le XIe arrondissement de Paris. Il n'a pas eu besoin de faire la queue, «c'est pas le rush», reconnaît Michel.

Un des volontaires est plus positif: «c'est pas mal, on est satisfaits.» En deux heures, une centaine de personnes ont voté dans ce bureau d'un arrondissement traditionnellement de gauche. Le président du bureau : «C'est dommage parce que c'est mieux organisé qu'il y a cinq ans, mais il y a moins de monde.» Même si l'échantillon de votants est très faible, «il semblerait qu'il y ait une polarisation Hamon-Valls, à en croire les piles de bulletins».

Anne Hidalgo ne vote pas ici mais fait un tour des bureaux. L'élue serre quelques mains, se laisse prendre en photo. L'heure tourne et le flux d'électeurs se fait plus continu. A midi, Michel fait un constat : «Il y a beaucoup de Bennahmias dans la poubelle.»

Vote à l’école Jean-Jacques Rousseau à Lille. (Aimée Thirion pour

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A Lille, Benoît Hamon, «c’est plus la sensibilité du Nord»

Midi à l'école Albert-Samain dans le quartier populaire du Faubourg-de-Béthune à Lille, entre barres d'immeubles et maisons coquettes. C'est le quartier qui vote le plus fort pour Martine Aubry aux municipales, le plus pauvre et le plus abstentionniste aussi. Ici, Agathe et Matthieu, fonctionnaires tous les deux, sont venus avec la poussette et les trois enfants. Ils ont choisi Montebourg pour son discours sur l'éducation. Matthieu, professeur des écoles à Roubaix: «29 élèves par classe, c'est dur tous les jours.» Agathe, documentaliste: «Montebourg veut deux professeurs par classe en CP-CE1. C'est une bonne idée.» Elle espère un second tour Hamon-Montebourg.

Pierre Bertrand, ancien conseiller municipal sous Mauroy, pense qu'il y aura à Lille une «petite tendance» Hamon. «Le député de la circonscription s'est prononcé pour lui, et c'est plus la sensibilité du Nord.» Bonnet jusqu'aux sourcils, un magasinier qui veut rester anonyme a voté Montebourg: «Le revenu universel, c'est une mauvaise idée, ça incite les gens à ne pas travailler. Et c'est utopique, et impossible à financer. Montebourg, lui, veut préserver le peu d'emploi qui reste. Et puis, il a quitté ce gouvernement qui a déçu pas mal de monde.» Déçu sur quoi par exemple ? «Le droit de vote aux municipales pour les étrangers. Mes parents sont algériens, ils vivent ici depuis 40 ans. Ils sentent qu'ils ne font pas partie de leur ville.»

A Lyon, «Valls défend la laïcité mais n’a pas l’air de complètement savoir ce que c’est»

Drôle d'ambiance à Lyon, où une quarantaine d'élus socialistes, proches de Gérard Collomb, ont déclaré cette semaine leur soutien à Macron et leur intention de boycotter la primaire de la gauche. «Un nombre à relativiser», tempère Thierry Philip, maire du IIIe arrondissement, l'un des seuls «à ne pas s'être inféodé» au choix de Collomb, dit-il.

Ce dimanche, ce fidèle hollandais, qui a choisi Valls, «le seul qui peut gagner», tient l'urne du bureau de vote installé dans ses locaux. Vers 11h30, une quinzaine de personnes font à la queue. «C'est bon signe», dit quelqu'un. Deux mamies discutent: «Macron, c'est un opportuniste de toute façon!»

Zara, 58 ans, commerçante, lie son vote à ses origines: «Je suis arrivée d'Iran il y a trente ans. Je connais la religion mêlée au pouvoir. Fillon qui se présente d'emblée comme catholique, c'est impensable.» Son premier bulletin ira à Vincent Peillon car «c'est à lui qu'on doit la charte de la laïcité. Valls aussi la défend, mais n'a pas l'air de complètement savoir ce que c'est». Peillon, lui, «c'est une laïcité profonde, pour qui le débat sur le burkini est un détail». Pourtant, Zara ne voit pas son champion au second tour: «Je n'y crois pas, malheureusement. Ce sera Valls, avec Hamon ou Montebourg.»