La fin d'une folle aventure. Vendredi, Benoît Hamon était à Lille pour sa dernière journée de campagne. Dimanche soir - peu importe le score - ça sera le début d'une nouvelle histoire. Le candidat a changé de sphère en quelques mois. Terminé les déplacements avec un journaliste, voire deux, dans ses pattes. Terminé le café long dans le wagon bar avec des interrogations des voyageurs. Du type : «Sa tête me dit un truc…» Dans le Nord, des flashs, des micros et de la bousculade à chacun de ses pas. Il a également eu un comité d'accueil : François Lamy, le sergent de Martine Aubry, était sur le quai de la gare. Il lui tape une bise. Il ne manquait que les fleurs. Pendant ce temps, le ministre de la Ville, Patrick Kanner, qui était dans le même train, a traversé la gare en mode incognito.
Dimanche, quelques heures après les résultats du premier tour, Benoît Hamon confiait face à l'euphorie : «Je n'ai pas envie de perdre le contact avec les gens.» Le changement de statut modifie la donne. Dans un centre culturel de la ville, le candidat a droit à un petit concert de rap, rien que pour lui. Un des artistes s'enflamme tout seul : «Je viens de serrer la main du prochain président de la République.» On n'a pas eu le temps de lui expliquer que tout n'est pas si facile : le match, à gauche, entre Macron, Mélenchon et le vainqueur de la primaire s'annonce mortel. Le temps passe. Par moments, le candidat a l'air ailleurs. Sûrement le second tour et son lendemain qui trottent dans sa tête. On aimerait comprendre. Mais c'est compliqué de le suivre. Il est toujours entouré par les caméras.
«Dimanche soir, on passera de l’heure d’hiver à l’heure d’été»
Pendant ce temps, à l'entrée du palais des sports, la foule se masse. Et ça, ce n'est pas nouveau. L'ex-ministre de l'Éducation remplit les salles à travers le pays. Une sorte de hype. A l'intérieur, Jean-Marc Germain, un autre fidèle de Martine Aubry, fait le service après-vente. Benoît Hamon a reçu le soutien de la maire de Lille au lendemain du premier tour. Auparavant, quelques petits signes. Mais rien de plus. Main droite dans la poche, Jean-Marc Germain argumente : «Le premier tour c'était le sien, sur sa personne.» Comprendre : pas besoin de tuteur. Par contre, le second tour c'est «celui du rassemblement», prévient le député. Puis, il enchaîne les mots flatteurs : «il a la notion de progrès», «il a du talent», «il a rénové le logiciel du parti». En conclusion, Jean-Marc Germain joue les poètes : «Dimanche soir, à la tombée des résultats, on passera de l'heure d'hiver à l'heure d'été.»
Le meeting débute toujours avec le même morceau : Prayer In C de Lilly Wood and the Prick (mais si, vous voyez). Du bon son mais à force on s'en lasse un peu. La responsable presse rassure les habitués. S'il gagne la primaire, nouvelle playlist dans le baladeur. Les élus, François Lamy, Charlotte Brun, Anne-Lise Dufour-Tonini, chauffent la salle. Le «rassemblement» de la gauche, tout ça. Soudain, la lumière baisse en intensité, ambiance tamisée. Une voix tombe du ciel. C'est celle de Martine Aubry. En convalescence, elle laisse un message à Benoît Hamon. Un genre de transmission. «Tu n'aurais pas pu choisir un meilleur endroit pour terminer ta belle campagne. J'aurais tellement aimé te serrer dans mes bras», dit-elle. Pas un bruit parmi les 2 500 personnes.
François Fillon «est chrétien quand ça l’arrange»
Les mots tombent toujours du ciel. La maire de Lille s'adresse au candidat et aux supporters : «Je n'ai qu'un conseil à te donner : ne lâchez rien. Vous êtes en train de faire renaître la politique. Et n'écoutez pas le cœur des grincheux qui sont toujours en retard lorsqu'il faut être à la hauteur de l'histoire.» La voix s'éteint et Benoît Hamon apparaît. Un peu touché. Très vite, il se reprend. Pas de fête pour le dernier meeting. Debout, sans fiche, il développe son programme, sa vision. La salle écoute, sans un mot. Partage du temps de travail, revenu universel, transition écologique, costume présidentiel : «Je ne suis pas de ceux qui ont un costume serré, le menton haut pour se la jouer régalien.»
La soirée est à l'image de la campagne : en dynamique. Le moment frisson arrive sur la fin. Le député vise le candidat de la droite, François Fillon. «Il est chrétien quand ça l'arrange, alors que le pape François dit d'ouvrir la main de la solidarité aux migrants», dit-il sous les applaudissements. La salle se lève. Hamon blague : «C'est la première fois qu'un candidat à la présidentielle de gauche se fait applaudir en citant le pape.» La foule se gondole. La conclusion est enflammée. Benoît Hamon, grimpe dans les tours, et demande «de la force» pour dimanche. Les drapeaux flottent et la musique est lancée: du hip-hop, dans les oreilles. Ça danse. Le titre du morceau, Can't Hold Us : «Rien ne peut nous retenir.»