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Analyse

Maintenant, le plus dur commence

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Dès ce lundi, Benoît Hamon va devoir s’atteler à rassembler les socialistes et au-delà avant la présidentielle pour s’éviter une défaite qui rebattrait à nouveau les cartes.
Benoît Hamon quitte le bureau de vote du centre Jean Jaurès, à Trappes, le 29 janvier (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 29 janvier 2017 à 22h31

Manuel Valls a réussi un chef-d’œuvre de figure paradoxale : en échouant, il a gagné. Et fait advenir ce qu’il avait théorisé. En tant que Premier ministre, il avait décrété deux gauches irréconciliables. Nous y sommes. Enfin pas tout à fait. Puisque ce ne sont pas deux, mais trois gauches irréconciliables qui se font face aujourd’hui : celle d’Emmanuel Macron, celle de Benoît Hamon et celle de Jean-Luc Mélenchon. Cette recomposition se fera donc sans Manuel Valls. L’ex-Premier ministre est, pour un moment en tout cas, redevenu minoritaire au sein de sa famille politique. Et déjà doublé sur sa droite par Macron et son mouvement En marche. Dimanche, Valls n’a pas que perdu une élection, il s’est aussi coupé toute possibilité de rebond à court terme. Pour autant, l’avenir de la gauche n’a pas été soldé avec le scrutin de dimanche. Hamon a gagné une bataille (importante), mais la guerre ne fait que commencer. Un très mauvais score au premier tour de la présidentielle pourrait, par exemple, rebattre une nouvelle fois les cartes.

Drôle de guerre

Pour Hamon, donc, le plus dur commence. Et les prochains jours vont être cruciaux. Le tout neuf candidat n’aura pas le temps de savourer sa très nette victoire. Il se retrouve dans l’obligation ardente de rassembler sa maison, déjà sous la pression de deux forces centrifuges. A droite, Macron, et à gauche, Mélenchon. Tous les deux souhaitent ouvertement la mort du PS. Dès ce lundi, plusieurs députés sociaux-libéraux pourraient annoncer leur ralliement à l’ex-banquier, qui flambe dans les sondages. Les trois gauches vont se livrer une drôle de guerre : celle d’une légitimité «démocratique» contre deux légitimités «sondagières». Entre ceux qui ont déjà voté et ceux qui disent pour qui ils voteront demain. Hamon aura raison d’affirmer que la première est la seule qui compte. Les quelque 2 millions d’électeurs de la primaire l’obligent, en toute logique, à aller jusqu’au bout de la compétition.

Pression sondagière

Mais si cet élan ne se traduit pas rapidement dans les intentions de vote pour le premier tour, le jeu médiatico-politique du «vote utile» risque d’empoisonner sa campagne. Au nom (légitime) de la présence de la gauche au second tour de la présidentielle, ses deux adversaires ne vont pas tarder à lui demander de renoncer. On peut le regretter, mais cette pression sondagière, aussi volatile qu’écrasante, risque d’être déterminante dans les dynamiques de ces trois gauches. S’il veut espérer tenir et gagner, Hamon n’a donc pas d’autre choix que de réunir d’abord la maison socialiste, et puis la gauche dans son ensemble. François Fillon, lui, a au moins montré la voie à ne pas suivre : croire que les forces qui font le vainqueur d’une primaire sont les mêmes que celles qui élisent les présidents.

Dans cette entreprise, Hamon a deux vrais atouts et un lourd handicap. D'abord, le candidat a su créer dans cette campagne éclair une vraie ferveur. Certes limitée à un petit cercle de la population, mais bien vivante. Et surtout portée par une partie de la jeunesse. Or, pour reprendre un précepte de François Mitterrand, «la gauche ne peut pas gagner une présidentielle sans la jeunesse». Le deuxième atout de Hamon est sa personnalité. Cette campagne l'a révélé à beaucoup de Français. Lui, l'apparatchik socialiste, a réussi à incarner une forme de renouvellement. Il a un ton (chaleureux) et un style (direct). Il part du particulier pour aller au général. Du bas vers le haut. Il aime parler vie quotidienne et écologie. Une forme de modernité qui peut séduire. D'ailleurs, si Mélenchon est apparu aussi agressif contre lui, c'est bien parce qu'il a compris la menace.

Reste son handicap, son programme. Deux gros sujets empêchent plusieurs ministres, et beaucoup de sympathisants PS, de monter dans la voiture Hamon : la crédibilité budgétaire de ses mesures (notamment de son revenu universel) et la dimension européenne de son programme. Sur le papier, la synthèse programmatique apparaît impossible. Mais s’il veut transformer sa cagnotte de la primaire en capital présidentiel, Hamon doit impérativement trouver les chemins du compromis. Premier défi difficile mais indispensable.