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La france invisible

«Emmanuel Macron, c'est Keyser Söze»

La France invisibledossier
Pendant la présidentielle, Libération va sonder, chaque jour de la semaine, cinq lieux différents de la «France invisible». Aujourd’hui, les abords du canal Saint-Martin à Paris, avec un sans-abri.
Ervé et Christian, sans-abri, photographiés dans le 10e arrondissement de Paris en décembre 2016. (Photo Charlotte Gonzalez. Hans Lucas)
publié le 30 janvier 2017 à 15h58

Il a fait le calcul : les 600 000 euros reçus par Penelope Fillon

et de

correspondent à «

1145 RSA

» (revenu de solidarité active), soit «

95 années

» d’allocations. «

En fait François Fillon a déjà créé le revenu universel, mais pour sa femme !

», s’esclaffe Christian, posé sur son banc le long du quai de Valmy, dans le X

e

arrondissement de Paris.

Sans domicile, l'homme de 44 ans n'a pas été plus surpris que cela par l'affaire «Penelope Fillon». «En période d'élections, les casseroles finissent toujours par ressortir, rappelle-t-il. Quand François Fillon dit qu'il veut défendre les Français, il se fout vraiment de notre gueule. Mais je pense que les gens sont de moins en moins cons et s'en rendent compte.» Pour lui, le candidat de la droite s'est laissé aller au classique jeu de «bluff» des politiques, n'hésitant pas, lors de la primaire de la droite et du centre, à se présenter comme un parangon de vertu. «C'est comme si moi je te disais que je ne bois pas d'alcool, ne fume pas de pétards et que je n'ai pas fait l'amour avant le mariage», rigole-t-il.

Aux yeux de Christian, Benoît Hamon, désigné candidat du Parti socialiste dimanche, pourrait bientôt subir le même sort. «Je ne l'espère pas, mais quand tu entres en politique, tu es obligé d'avaler des couleuvres, certains plus que d'autres.» Il se dit donc que dans les prochains jours, «un truc va bien finir par sortir contre lui». Pas question, en revanche, de «rire du malheur» de Manuel Valls, l'ancien Premier ministre défait. «Il vient d'entrer dans le désert, il faut maintenant qu'il le traverse», juge Christian.

«Le Pen va presque pouvoir passer pour une modérée»

Les prochains mois de campagne pourraient, selon lui, opposer deux blocs très polarisés : une droite filloniste qui, concurrencée par le FN, se radicalise, et une gauche hamoniste aiguillonnée par Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier, candidat de la «France insoumise», a plutôt tendance à l'inquiéter, la faute à son tempérament «égocentrique et paranoïaque».

Les deux vainqueurs, Christian les voit plutôt du côté d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, bien discrets ces dernières semaines. «Ils n'ont pas besoin d'entrer dans le jeu, leurs adversaires sont en train de se flinguer, estime-t-il. Le pire dans l'affaire, c'est que Le Pen va presque pouvoir se faire passer pour une modérée quand on voit ce que Trump est en train de faire Quant à Macron le marcheur, il voit en lui une réincarnation de Keyser Söze, le héros machiavélique du film Usual Suspects, incarné par Kevin Spacey : «Il va nous raconter une histoire avec un programme fourre-tout et dans les cinq dernières minutes on va se rendre compte que le mec nous a baisés !»