Pendant la présidentielle, Libération va sonder, chaque jour de la semaine, cinq lieux différents de la «France invisible», car hors des radars médiatiques. Ce mardi, des jeunes du lycée professionnel Saint-Philippe de la fondation Apprentis d'Auteuil, à Meudon (Hauts-de-Seine).
Troisième épisode : «Au fait, pourquoi faut payer pour voter ?»
Nous revoilà à Meudon, dans ce lycée professionnel qui fait vraiment penser à Poudlard (le château dans Harry Potter). Le lieu est génial, avec un petit pont en pierre recouvert de verdure et des bâtisses d’un autre temps. Au dernier étage du bâtiment de la filière Eleec (électrotechnique pour faire court), on retrouve notre bande de garçons. Ils sont neuf aujourd’hui.
«De quoi avez-vous envie de parler aujourd’hui?
- De meufs, madame.»
La semaine politique a été mouvementée, entre Hamon gagnant de la primaire à gauche et les révélations sur François Fillon. On embraye : «Alors... Pénélope Fillon, peut-être ? Quel regard portez-vous sur cette histoire ?» Réponse : «Qui ?»
«Quelques trucs vite fait à la télé»
La majorité d'entre eux n'est pas au courant. Vincent a entendu «quelques trucs vite fait à la télé», mais sans plus. Le temps de résumer l'histoire dans les grandes lignes, ils taclent d'un «tous les mêmes. On n'est pas du tout surpris». Thomas, un brin philosophe : «Disons que certains se cachent mieux que d'autres, on va dire ça.» La discussion est close, ils n'ont aucune envie de parler de ce sujet. Il reviendra quand même, de façon un peu détournée à la fin de l'heure passée ensemble. A ce moment-là, on parle d'emploi, des galères pour en trouver, de l'importance des stages (ils s'apprêtent à faire le sixième stage de leur scolarité, au retour des vacances de février). Cinq élèves sur les neuf passeront quatre semaines dans des hôtels parisiens, à s'occuper de la maintenance. La direction du lycée a aidé ceux qui galéraient à trouver une entreprise. Amin estime qu'il serait judicieux de donner «des primes aux patrons pour qu'ils prennent plus de gars en alternance». S'il peut, il continuera après son bac, avec un BTS en alternance.
La plupart envisagent aussi de poursuivre leurs études. «Parce ce que ce qu'on a aujourd'hui avec un bac +2, c'est ce qu'on avait à l'époque avec un bac», dit Vincent. Thomas, lui, met tous ses espoirs sur le prochain salon étudiant pour savoir vers quelle direction aller, car il veut se réorienter. Slade aussi. Lui, en revanche, a déjà un projet ficelé «dans l'informatique, j'y arriverai d'une façon ou d'une autre». Plus tard, il se verrait bien auto-entrepreneur, mais pas en France, «sûr que non. Peut-être au Canada, là-bas, t'es plus libre et y a moins d'impôt». La discussion s'anime un peu, beaucoup rêvent comme lui du Canada. Gomis voudrait «que les charges baissent pour les artisans, c'est pas justifié de payer tout ça». A l'utilité des impôts pour financer le système de santé et l'école par exemple, il rétorque : «Les politiques n'ont qu'à commencer par arrêter de gaspiller tout l'argent public comme ils font.» Ils ne tenaient pas à parler de l'affaire Fillon mais c'est tout comme, finalement.