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Défi

De Hollande à Mélenchon, Hamon doit rassembler sans ressembler

Hamon candidatdossier
Le candidat socialiste tout juste désigné a rendez-vous jeudi à l'Elysée. Il peut s'appuyer sur de bons sondages pour réunir toutes les tendances de la gauche sans trahir ses promesses.
Benoît Hamon, lundi à la Mutualité. (Photo Marc Chaumeil pour Libéraration)
publié le 1er février 2017 à 19h21

D’un côté, François Hollande, de l’autre Jean-Luc Mélenchon : Benoît Hamon se pose au centre du jeu. Quelques jours après sa large victoire à la primaire de la Belle Alliance populaire (58,7 %) et

– qui le placent au coude à coude avec Fillon et Macron pour la deuxième place en 2017 – il poursuit son petit tour des gauches avant son discours d’investiture de dimanche matin. Au programme : «rassembler» son camp et donner la parole à des intervenants extérieurs au PS.

Lundi, il a rendu visite au Premier ministre, Bernard Cazeneuve. Ce jeudi, il est de passage à l’Elysée. Benoît Hamon doit s’entretenir avec le président de la Répub­lique. Le candidat ne coupe pas les ponts avec l’exécutif. Mais il n’a pas l’intention, dit-il, d’amorcer un quel­conque recentrage.

«Je ne change pas de ligne. Ce serait contrarier une dynamique qui se poursuit,

explique-t-il à

Libération.

Je suis prêt à enrichir mon programme sur les solutions mais, je l’ai déjà dit, on ne gagne pas une présidentielle sur un bilan, aussi bon soit-il.»

Quant à ce fameux «bilan» que les membres du gouvernement et les élus légitimistes aimeraient qu’Hamon défende davantage dans cette campagne, il répète qu’il a

«déjà dit qu’il n’était pas si mauvais»

sur certains points : éducation, écologie, santé, numérique… Comme lors de son entretien avec Cazeneuve, Hamon dit ne pas aller à l’Elysée chercher un soutien mais l’oreille d’un Hollande avec qui il dit s’être

«toujours très bien entendu»

sur le plan personnel. Il compte avant tout lui expliquer

«ce qu’il a vu»

dans sa campagne : des jeunes, des non-encartés, un

«nouveau souffle»

politique :

«Quelque chose [qui] dépasse ma ­personne.»

Equilibre

Du côté de l’Elysée, on insiste sur

«l’écoute»

du chef de l’Etat :

«Le message du Président sera celui du rassemblement, car la gauche a peut-être une chance de gagner cette présidentielle,

souligne son entourage.

Hamon peut réussir à rendre à la gauche sa fierté. Son sujet, ce n’est pas le bilan. C’est demain, c’est l’avenir. Je suis sûr qu’il fera applaudir le Président, dimanche, par exemple sur la lutte contre le terrorisme.»

Hamon tente ainsi, vis-à-vis de l’exécutif, de tenir un équilibre : ni allégeance ni rupture. Il se montre d’ailleurs satisfait des soutiens de membres de l’exécutif, notamment d’une partie de la jeune garde représentée par les ministres Matthias Fekl ou Axelle Lemaire. Le candidat a aussi échangé plusieurs fois cette semaine par téléphone avec Najat Vallaud-Belkacem. A écouter le camp Hamon, même les relations avec la ­direction du PS se passeraient

«nickel».

«Un matin ils nous demandent d’infléchir, le soir même ils nous disent de ne surtout rien changer,

se félicite un proche.

Entre-temps, ils ont vu les ­son­dages…»

Tout comme, semble-t-il, Jean-Luc Mélenchon. En effet, voilà des mois que le candidat de «la France insoumise» déclare le PS hors-jeu. Et mercredi – surprise ! – le voilà qui dégaine

. Cravate rouge, une carte de France et deux de ses affiches derrière lui, pour s’adresser directement à

«M. Benoît Hamon».

Le candidat socialiste souhaite lui parler ?

«Mais évidemment qu’on doit le faire !»

dit Mélenchon. Et il est même prêt à discuter, ­à condition que Hamon

«choisisse»

: entre lui et les socialistes qui ont soutenu Hollande durant le quinquennat.

«Surpris»

«Ce n’est pas sérieux, on ne fera croire à personne que tout cela peut fonctionner ensemble, puisque ça n’a déjà pas fonctionné ensemble jusque-là»,

souligne l’eurodéputé, qui appelle Hamon à la

«clarté absolue»

:

«Pas de double langage ! Plus personne dans le pays n’a l’intention de se faire faire une deuxième fois le coup du Bourget ! C’est-à-dire un grand discours extrêmement flatteur à entendre aux oreilles, suivies de pratiques qui sont exactement à l’inverse.»

Après avoir rencontré mardi les écologistes Yannick Jadot (le candidat EE-LV), et David Cormand (le patron du parti), et observé les signes positifs émis par les communistes, Hamon ne cache pas son plaisir de voir Mélenchon faire ce pas.

«Ça fait un peu panique à bord, non ?»

lance, sourire en coin, l’un de ses proches.

«C’est vrai que nous avons été surpris de la mobilisation autour de sa candidature lors du second tour de la primaire,

acquiesce Eric Coquerel chez Mélenchon.

Sa victoire peut nous empêcher d’arriver au second tour. Hamon doit sortir de l’ambiguïté.»

Pour le camp Hamon, qui connaît Mélenchon par cœur, cette reprise de contact via le Web ne changera rien à la stratégie «mains tendues, pas de changement de ligne» :

«Jean-Luc s’est complètement planté sur la primaire,

observe le député Pascal Cherki.

Il n’a pas voulu y participer parce qu’il ne voulait pas soutenir Hollande ou Valls. Le premier a été empêché, le second s’est fait sortir. Et tout cela s’est fait sans lui ! Il est en train de faire la même erreur que Podemos en Espagne : son électorat, comme le nôtre, veut un programme de gauche, mais il veut aussi le rassemblement !»

Et, selon la règle immuable à gauche sous la V

Ré­pub­lique pratiquée en son temps par ­François ­Mitterrand, ­celui qui réussit l’unité garde le leadership à gauche.