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Analyse

François Fillon ou la posture du «j’y suis, j’y reste»

Concédant tout juste des excuses aux Français, le candidat LR s’est voulu lundi inébranlable, et a tenté de faire repartir sa campagne.
François Fillon Lors de sa conférence de presse du lundi 6 février. (Photo Albert Facelly pour «Libération»)
publié le 6 février 2017 à 20h46

Bouger, se démener comme un beau diable pour tenter de se tirer de ce bourbier. Pendant une heure de conférence de presse devant plus de 200 journalistes venus l'écouter à son QG, François Fillon a fait tout ce qu'il a pu pour tenter de reprendre la main sur sa campagne engluée depuis deux semaines dans l'affaire des emplois supposés fictifs de sa femme et ses enfants. Une tentative de la dernière chance censée solder tout ce qui lui est reproché pour «repartir sur les routes de France». Avec «une énergie farouche et décuplée», promet Fillon, celle du désespoir.

Son équipe avait annoncé un grand exercice de transparence, une «opération vérité». Alors le candidat déballe un peu, il livre le détail de son patrimoine, de ses comptes en banques au Crédit agricole de Sablé-sur-Sarthe ou des clients de son entreprise de conseil. «Trente-deux ans d'une éthique irréprochable», se flatte-t-il. Pour le reste, Fillon n'a guère changé de défense. Comme il le fait depuis le début de l'affaire, l'ex-Premier ministre dénonce une opération politique destinée à «voler à des millions de Français le résultat de la primaire» et à l'écho amplifié par un «tribunal médiatique» qui l'a «lynché et assassiné politiquement». Il passe aussi très vite sur les traitements très confortables de Penelope Fillon mais aussi de deux de ses enfants comme collaborateurs - avançant qu'une rémunération donnée «brute et cumulée sur quinze ans» est toujours «spectaculaire».

Incantation

Inflexion de taille à sa stratégie de com, Fillon, qui disait simplement comprendre «le trouble» suscité par les révélations du Canard enchaîné, a cette fois «présenté ses excuses aux Français». «Le courage en politique, c'est de reconnaître ses erreurs», ajoute-t-il. Mais à y regarder de plus près, le mea culpa est tout relatif. Fillon confesse n'avoir pas compris que l'embauche de la moitié de son foyer familial «suscite aujourd'hui la défiance». «J'ai agi selon un usage, certes légal, mais dont les Français ne veulent plus», se contente-t-il de reconnaître, excluant toutefois de rembourser, comme le lui conseillaient certains.

Et maintenant ? C'est bien simple. Fillon pense s'en sortir : «Une nouvelle campagne commence.» L'affaire lui a d'abord «mis un coup à l'estomac», concède-t-il, après douze jours à s'emmêler les pinceaux. Mais revoilà le candidat sur ses pattes, qui veut même faire croire que ces attaques l'ont regonflé : «La violence contre moi a renforcé ma détermination, la colère froide en moi va me donner encore plus de force.» On frôle encore l'incantation quand il ajoute que «le débat doit maintenant porter sur [son] action politique et [son] projet».

Pour réveiller sa campagne plongée dans le coma, Fillon a annoncé la composition d'une nouvelle équipe qui s'est réunie dans la foulée de la conférence de presse pour «le premier comité stratégique». La liste d'une vingtaine de fidèles et de ténors du parti LR reprend peu ou prou les noms sur lesquels s'appuyait le précédent organigramme. Mais elle est surtout destinée à montrer que la droite fait bloc. A-t-elle le choix ? «Il n'y a pas de plan B, écarte le vainqueur de la primaire. Le plan B, c'est la bérézina.» Et de mettre en garde : «Aucune instance n'a la légitimité pour remettre en cause le vote de la primaire.» Malheur à ceux qui le lâcheraient. Fillon doit se rendre jeudi dans la Vienne chez le juppéiste Jean-Pierre Raffarin et, dès ce mardi, dans l'Aube, chez le sarkozyste François Baroin.

Avant, il retrouvera les parlementaires réunis à son QG parisien. L’occasion de voir si sa riposte a fonctionné. Nombre d’entre eux sont atterrés par un week-end calamiteux dans leur circonscription, mais oseront-ils exprimer en masse leurs états d’âme ? Et leur blues se transformera-t-il en fronde ?

«Porter la dague»

«Chez moi, je n'ai pas trouvé une personne pour le défendre, le rejet est total, et les copains ont dû entendre comme moi», rapporte un député, ancien soutien de Juppé… qui ne voit pourtant aucune solution de remplacement : «Je ne connais qu'un seul plan B et il a encore refusé ce matin.» Allusion au tweet du finaliste de la primaire à droite pour faire taire les «rumeurs infondées» : «Pour moi, NON c'est NON.»

Un proche de Sarkozy a, lui, fait ses comptes. Aux passants auxquels il a tendu des tracts ce week-end, deux soutiennent Fillon pour huit qui passent leur chemin. Même s'il a eu au téléphone des élus qui souhaiteraient voir le candidat LR abandonner, il est conscient que celui-ci s'accrochera et voit mal les dirigeants du parti réclamer sa tête : «On est nombreux à penser qu'il est cuit. Mais personne ne veut être celui qui porte la dague. C'est assez simple : les ténors refusent de s'exprimer, donc le coup ne viendra que des députés de base. Après, ceux-là peuvent être sévères.» Ces derniers, Georges Fenech les a sondés toute la semaine. Le député du Rhône a proposé à ses collègues de signer un appel à la tenue d'un conseil national pour nommer un remplaçant. Lui qui voulait publier son texte ce mardi, a renoncé. Il s'est résolu à soutenir Fillon : «J'espère m'être trompé et qu'il nous mènera à la victoire.»