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Analyse

Contre la «bulle Macron», Hamon à tâtons

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L'équipe du candidat PS à la présidentielle veut pour l'heure éviter les «mesures disciplinaires» contre les socialistes tentés par l'ancien ministre de l'Economie. Mais en gardant le cap à gauche, il agace certains ministres, qui souhaitent un recentrage pour mieux couper l'herbe sous le pied au leader d'En marche.
Benoît Hamon le 2 février à l'Elysée. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 14 février 2017 à 16h42

Surtout ne brusquer personne. Ne rien tenter qui puisse nuire à la dynamique de campagne, aussi petite soit-elle. Après avoir haussé le ton tout l'hiver sur les représailles qui attendaient les socialistes ayant choisi de rejoindre Emmanuel Macron, Benoît Hamon et le PS ne sont plus tout à fait sur la ligne de la rétorsion. L'heure est au rassemblement de la gauche, pas aux anathèmes. Puisque la grande migration de parlementaires socialistes vers le mouvement En marche n'a pas eu lieu dès la primaire de gauche bouclée, les proches du candidat à l'Elysée ne veulent pas braquer les projecteurs sur les trouble-fête et, ce faisant, donner le signal de la défection à certains.

«Il ne faut rien faire qui puisse victimiser Emmanuel Macron», résume le député François Lamy, désormais chargé des relations entre l'équipe Hamon et le reste de la gauche. Au départ, le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, semblait prêt à exclure tout socialiste soutenant Macron. Depuis, il n'est question de sanctionner que ceux qui offriraient leur parrainage présidentiel à l'ancien ministre de l'Economie. Ce glissement stratégique a le mérite de repousser le problème, au plus tôt à la mi-mars, la date limite pour le dépôt des signatures devant le Conseil constitutionnel. Cela permet aussi de minimiser l'ampleur des représailles puisque les élus PS dans ce cas, surtout de premier rang, ne seraient qu'une toute petite poignée. Surtout si, comme ils l'espèrent, ce qu'ils appellent la «bulle Macron» explose d'ici là, à la manière d'un Edouard Balladur en 1995 ou un Jean-Pierre Chevènement en 2002.

«Les non-propositions de Macron vont faire revenir les gens vers nous»

Du côté du candidat, on ne demande pas d'exclusion formelle. «Les mesures disciplinaires, ce n'est pas notre truc», glisse un des piliers de la campagne. D'autant que les frondeurs socialistes, eux, n'ont jamais été exclus d'aucune instance collective malgré un quinquennat de contestation interne. Mais certains dans l'équipe aimeraient quand même aller vite, voire très vite et investir des candidats estampillés Hamon dans les circonscriptions des députés socialistes appartenant à l'état-major de campagne de Macron. Cela concernerait moins d'une demi-douzaine de parlementaires. Ce serait «une mesure de cohérence, pas de rétorsion, explique le codirecteur de campagne, Mathieu Hanotin. On ne peut pas avoir dans une ville deux affiches avec le logo du PS sous le portrait de deux candidats différents».

Chargé de la mobilisation du PS pendant la campagne présidentielle, Rachid Temal, secrétaire national chargé de la coordination et de l'organisation, réfute tout changement de pied de la direction du PS et toute friture sur la ligne entre le candidat et le parti. «Soutenir un candidat c'est l'aspect politique, le parrainer c'est l'aspect juridique : c'est le fait générateur d'une exclusion, nous avons toujours été sur cette position-là», assure l'élu du Val-d'Oise. Sans passer ni par l'exclusion ni par une nouvelle fournée d'investitures, certains socialistes plaident pour un gel des circonscriptions détenues par des «socialistes en marche» en attendant la présidentielle. Une sorte d'entre-deux qui permettrait de ne pas insulter l'avenir mais que la direction du PS ne valide pas pour l'instant.

A l'heure où la pression monte sur Emmanuel Macron côté programme, les socialistes engagés derrière Benoît Hamon veulent surtout miser sur le positionnement clairement de gauche et le fond pour «débusquer» l'ancien secrétaire général de l'Elysée. «Les non-propositions de Macron vont faire revenir les gens vers nous», veut croire Mathieu Hanotin. «Son projet ressemble aux textes parlementaires intitulés "diverses mesures d'ordre social" bricolés à la va-vite, raille François Lamy. C'est le grenier à idées poussiéreuses, la braderie de Bercy

Ne pas laisser filer le «plancton» 

Tempérées pour ne pas dire acides, les premières sorties du Premier ministre envers le candidat, sommé de faire honneur au bilan du quinquennat, avaient pour but de ne précipiter aucun départ vers En marche. A la tête d'un gouvernement dont la ligne a été désavouée par les électeurs de la primaire, Bernard Cazeneuve ne veut pas mettre du sel sur les plaies ou accentuer la cassure à gauche. S'il avait accueilli Benoît Hamon avec des flonflons à Matignon, «la moitié des ministres se barraient chez Macron. Il ne peut pas aller trop vite sinon le plancton s'échappera du filet», fait valoir un dirigeant socialiste. Mais, preuve de la bonne entente qui règne entre le chef du gouvernement et le candidat, le premier a fait lire la déclaration qu'il s'apprêtait à faire devant la presse au second, avant la fin de leur rendez-vous, au lendemain du deuxième tour. Avec un sous-entendu implicite : charge à Hamon de faire quelques efforts de rassemblement vers les socialistes légitimistes. «Il faut que Benoît Hamon les mette dans une situation où c'est impossible pour eux de se barrer», insiste un conseiller ministériel.

Au sommet de l'Etat, en plus du manque de signaux de rassemblement, on commence à s'impatienter devant le manque de messages à destination de la France rurale et ouvrière. «Il n'y a dans son programme pas beaucoup de mesures sur l'emploi», s'est inquiété mardi Stéphane Le Foll. Très proche de François Hollande, le ministre de l'Agriculture est sorti de son silence médiatique pour déplorer l'éparpillement des candidatures à gauche et réclamer un «projet de gauche progressiste pour avancer». Une synthèse Hamon-Macron qui ne dit pas son nom. Une stratégie aux antipodes de la campagne choisie par le candidat socialiste.