Par la grâce de la primaire, ils sont devenus les nouveaux frondeurs. Depuis la victoire de Benoît Hamon, les proches de François Hollande et les socialistes légitimistes regardent la campagne du néo-candidat se déployer avec une inquiétude de moins en moins feinte. Espérant des petits signes de rassemblement, pour l'instant en vain, sur le fond comme sur la forme. Majoritaires dans l'électorat de la primaire, les «hamonistes» sont toujours largement minoritaires au sein des instances du parti et des groupes parlementaires. D'où les frottements grandissants de ces derniers jours. «Il faudrait peut-être penser à aller chercher les 800 000 gus qui ont voté Valls et les électeurs qui n'ont jamais lâché Hollande par loyauté, peste un conseiller ministériel. On ne peut pas être au deuxième tour en n'allant gratter des voix que du côté de la gauche [vers les électorats de l'écologiste Yannick Jadot ou de Jean-Luc Mélenchon, ndlr].»
Suspension
Dans la liste de leurs griefs, il y a ce que le candidat dit - comme la légalisation du cannabis ou l'abrogation promise de la loi travail - et ce qu'il ne dit pas, sur la place de la France sur l'échiquier international, le progrès ou la défense de la République, mais surtout sur le chômage, la création d'emplois ou la production de richesses. Pour eux, un discours à l'attention des classes populaires ou de la France rurale ne peut pas se limiter au seul revenu universel. Certains se sont repassés le discours d'investiture de François Hollande en 2011, où il était question de Sarkozy, de la France et du monde. Or, depuis fin janvier, «on a l'impression que Hamon parle par petits segments des problématiques françaises, mais pas de la France. Il n'a pas de récit», tacle un jeune dirigeant du PS.
Passée la divine surprise des sondages en hausse pour Hamon juste après le deuxième tour de la primaire, le scepticisme voire la colère prévalent désormais dans les rangs des hollandais, qui se voient tous les lundis pour un apéro politique au ministère de l'Agriculture. Que deux d'entre eux (la sénatrice Frédérique Espagnac et le député Sébastien Denaja) aient intégré l'équipe de campagne du candidat avec le blanc-seing du chef de l'Etat est loin de les rassurer. Alors qu'il voyait en Emmanuel Macron le traître du quinquennat, Stéphane Le Foll demande désormais à ses troupes de se tenir à équidistance de Hamon et Macron. En suspension donc. Actuellement, vu les forces opposées, «la meilleure chance… c'est qu'il n'y en a pas», ironise le ministre de l'Agriculture, au diapason de François Rebsamen, Frédéric Cuvillier ou Bruno Le Roux. Du coup, pour certains, «l'appel au vote utile Macron dans un mois, c'est la seule question qui se pose», reconnaît un participant. Venu des rangs hollandais avant de diriger la campagne primaire de Manuel Valls, le sénateur Didier Guillaume est encore plus cash vis-à-vis de Macron : «On n'ignore pas quelqu'un qui est candidat à la présidentielle, qui est d'ailleurs proche de nous sur certains aspects.»
Lancée
Mardi, la réunion du groupe PS à l'Assemblée a permis d'étalonner la méfiance et la distance entre les deux camps. Plusieurs députés y ont pris la parole pour, au mieux, réclamer des clarifications sur le projet présidentiel, au pire attaquer les mesures phares de Hamon comme le revenu universel mais surtout son projet de «49.3 citoyen» qui remet en cause selon eux la démocratie représentative . Le tout en l'absence du candidat, qui avait pourtant promis de revenir les voir. «Je comprends que les résultats ne plaisent pas à tout le monde, mais la clarification a eu lieu lors de la primaire», a répliqué à sa place Régis Juanico, son mandataire financier et conseiller politique, refroidissant un peu plus l'atmosphère. Sur sa lancée d'un élargissement à gauche plutôt que vers le centre du PS, l'équipe de campagne relativise le vent de fronde, identifiant une vingtaine de députés prêts à rallier Macron et une quarantaine d'attentistes. Du coup, l'état-major de Hamon ne compte pas s'adresser à cette gauche de gouvernement pour l'instant. «Ça, ce sera la campagne du deuxième tour», glisse un pilier de l'équipe. Encore faut-il passer le premier.