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Libération
La campagne côté droite

Fillon, sermonneur sermonné

Déclaration de François Fillon, candidat LR (Les Républicains) à l'élection présidentielle au lendemain de l'attentat de Paris du 20 avril. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 15 février 2017 à 21h16

Chaque jeudi, Edouard Philippe, député et maire LR du Havre, proche d’Alain Juppé, chronique la campagne présidentielle pour Libération.

Dieu est entré en campagne. La semaine dernière. Il n’était pas complètement absent de la présidentielle. Quand on s’interroge sur la question de la compatibilité à la République de telle ou telle religion, c’est qu’il n’est pas très loin. Mais enfin, il n’était pas totalement là.

Et puis dimanche dernier, jour du Seigneur, il s'est invité dans la campagne. Par la grande porte. Sur laquelle il a frappé deux fois. La première fois, c'était à la Réunion. Par la voix de saint Matthieu. Enfin, par celle du curé de Saint-Gilles qui, devant François Fillon, a cité, hasard du calendrier liturgique - pour autant que Dieu ait à voir avec le hasard - l'Evangile selon saint Matthieu (5, 21-25) : «Si quelqu'un commet un crime, il en répondra au tribunal.» Peu importe que le tribunal en question ne soit pas celui des hommes : Dieu lui-même semblait sermonner le candidat ayant affirmé avec le plus de force (et de sincérité) sa foi chrétienne.

Comme on était dimanche, Dieu ne s'est pas arrêté là. Il a accordé une interview au JDD. En choisissant de s'exprimer par l'intermédiaire d'un porte-parole. Presque un prophète. Saint Matthieu étant retenu à la Réunion, il a choisi Emmanuel Macron. Emmanuel ! En hébreu, cela veut dire «Dieu est avec nous». Tout un symbole. Macron a pris l'habitude, dans ses meetings, de nous encourager à la bienveillance, le regard extatique et les bras en croix. Et celui qui cherche l'onction du suffrage universel nous a livré des confessions pénétrantes : «La politique, c'est mystique» ; «Je ne sépare pas Dieu du reste. Je fais le lien entre la transcendance et l'immanence» ; «Il faut construire une sacralité» ; «La dimension christique, je ne la renie pas.» Emmanuel Macron ou le retour du religieux. Mitterrand nous avait quittés en disant croire aux forces de l'esprit, Macron arrive en les assumant d'emblée.

Après tout, il aurait tort de se gêner. Il marche sur l'eau en ce moment. Il guérit les aveugles, il multiplie les pains, il répand la bonne parole. A la France paralysée, il ordonne «Lève-toi et en marche !» ; aux électeurs déboussolés il dit «celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif». Et tout ça tout seul, sans réel programme ni réelle équipe. Il suffit de croire en lui. D'avoir la foi. Saint Matthieu (par ailleurs saint patron des banquiers, ça ne s'invente pas) a dû regarder ça d'un œil dubitatif. Lui qui rapportait ces paroles de Jésus : «Car il en viendra beaucoup sous mon nom qui diront : "C'est moi le Christ", et ils abuseront bien des gens.» (Matthieu 24, 5).