Pendant la campagne, Libération sonde, chaque jour de la semaine, cinq lieux différents de la «France invisible». Le jeudi, un club de handball près de Marseille.
Le vestiaire est plein, ça sent le match de coupe ce dimanche. Certains ont quand même jeté un œil aux derniers sondages : Le Pen caracole toujours en tête, Macron, deuxième, baisse un peu, talonné par Fillon. «Moi, les sondages, je n'y crois pas, évacue Romain. Je ne leur donne aucune valeur. Par contre, je pense qu'ils influencent les gens à aller voter ou pas. Du coup ça biaise les résultats.» Nico trouve ça plutôt bien : «Justement, ça les influence à jouer leur rôle de citoyen. Et puis ça montre l'indécision des gens.»
Crédibles ou pas, l'équipe est unanime : les chiffres sont clairs, on n'est plus en 2002, le FN ne sera pas la surprise du second tour, il y sera quoi qu'il arrive. Seul Nico se prend à rêver d'un scénario surprise : «Et si Hamon et Mélenchon arrivent à s'entendre ? Vous avez vu, Mélenchon a dit qu'il voulait bien discuter…» Et un autre sondage accorde au socialiste 33 % de cote de sympathie. «Hamon, détendez-vous, c'est juste un effet de mode, raille Julien. Marine Le Pen, par contre… Je l'ai vue à l'émission politique l'autre soir. Je ne suis pas avec elle, mais je l'ai trouvée bonne. Elle avait des réponses cohérentes. Et face à elle, les journalistes qui l'agressent font son jeu !» Jean-Claude bondit : «Tu l'as trouvé bonne ? Arrête, t'as vu comme elle est creuse en économie ? C'était flagrant ! Tu lui demandes ce que va donner la sortie de l'euro et elle ne sait pas quoi dire !»
Tiens, enfin un élément de programme… Depuis l'affaire Fillon, l'équipe a du mal à se concentrer sur les projets des candidats. «En même temps, se défend Julien, Hamon dit qu'on ne gagne pas une élection sur un bilan, Macron qu'on ne gagne pas sur un programme… Alors pour l'instant, on attend ! Tout va se jouer dans les quinze derniers jours.» D'autant qu'on n'est pas à l'abri d'une bombe médiatique, prévient Gilles, déjà en short : «Quand on voit la vitesse à laquelle sortent les affaires, on se dit que deux mois, c'est long…»