Les lignes bougent. On ne sait pas trop jusqu’où. Mais il y a du mouvement à gauche. Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Benoît Hamon discutent. Jamais les trois en même temps – il ne faut pas trop rêver – mais les contacts existent. Hier, aujourd’hui, demain sous le regard des sympathisants de gauche. C’est vrai, le rassemblement est encore loin, compliqué et chaque candidat joue sa partition. Mais il y a une chose nouvelle et importante : le rassemblement n’est plus impossible. Une bonne nouvelle pour les sympathisants de gauche. Petit tour d’horizon.
Yannick Jadot se place au centre du jeu
Feu vert pour le député européen. Après une consultation sur la Toile, presque neuf électeurs sur dix d'EE-LV se sont prononcés en faveur d'un dialogue entre Jadot et les deux autres candidats. Ce n'est pas une surprise. Et Yannick Jadot n'a pas attendu le vote pour discuter. Il échange régulièrement avec Benoît Hamon. Jeudi, le candidat écolo a rencontré Jean-Luc Mélenchon. Entre les deux, pas de grande amitié : ces dernières semaines ont été marquées par des passes d'armes à distance notamment sur les questions internationales. Le rendez-vous s'est bien déroulé. Pas de grosse bise mais «une discussion franche et constructive». La même journée, une délégation des écolos a rencontré la direction du Parti de gauche. Constat de Sandra Regol, la porte-parole du parti : «Beaucoup de convergences entre nous, on va se revoir très vite.» Pendant ce temps, les discussions avec Benoît Hamon se poursuivent. Un accord est proche. Mais (oui il y a un mais) Yannick Jadot temporise. Le calendrier d'abord. Rien avant l'officialisation d'ici une semaine de la consultation lancée sur la toile. La stratégie ensuite. L'écolo ne veut pas tomber dans les seuls bras de Hamon. Il souhaite également ceux de Mélenchon. Du coup, avant de signer, il discute avec tout le monde afin de ne pas vexer l'un ou l'autre. Il marche sur un fil.
Benoît Hamon décroche (enfin) son téléphone
Sa victoire à la primaire a tout changé. Deux jours après, il a rencontré Yannick Jadot. Puis David Cormand, le chef des Verts. Un «point de départ». Depuis, il prend son temps. Son équipe rencontre régulièrement celle de Jadot. Certains socialistes s'impatientent. Du genre «ça traîne et ce n'est pas bon signe». Pas lui. Il ne veut pas froisser les ego et tout faire capoter. Il prend le temps. Aujourd'hui, il affiche une certaine confiance. Il espère conclure un accord sur une candidature commune avec les écolos la semaine prochaine. Avec le candidat de la France insoumise c'est différent, un peu plus illisible. On ne sait pas trop ce qui l'intéresse : Jean-Luc Mélenchon ou ses électeurs. Vendredi, Hamon a appelé au téléphone Mélenchon.
«Nous nous sommes parlés, vous n'en saurez pas plus, a déclaré aux journalistes le socialiste en arrivant au Portugal vendredi. Le rassemblement de la gauche n'est pas du théâtre. Ni lui ni moi ne voulons feuilletonner. Vous étiez inquiets, nous avons parlé. Vous êtes inquiets: nous allons nous voir. Punto finale.» Les deux hommes devraient se rencontrer à la fin de la semaine prochaine. Une petite guerre des nerfs s'est installée entre les deux. Personne ne connaît l'issue.
«Mitterrand et Marchais ont réussi à s'entendre pour faire un programme commun, je ne vois pas pourquoi Hamon et Mélenchon n'yarriveraient pas, veut croire le député de Paris Pascal Cherki, qui accompagne Hamon au Portugal. La seule question, c'est "est-ce qu'on veut recomposer la gauche ou gagner la présidentielle".»
Une chose est certaine, Benoît Hamon ne cédera pas à la requête de Jean-Luc Mélenchon : celui-ci souhaite que le socialiste se sépare des ministres qui ont soutenu la loi Travail afin de prouver son détachement avec le pouvoir en place. Comprendre : pas de circonscription pour El Khomri, Valls et consorts. «Le rassemblement ne se fera pas en coupant des têtes», répond le socialiste. Les lieutenants de Hamon éludent mais soutiennent que «les candidats aux législatives feront campagne sur notre plateforme».
Jean-Luc Mélenchon change son jeu
La présidentielle est pleine d'imprévus alors que l'ancien socialiste avait tout programmé : la victoire de Sarkozy à la primaire de la droite, puis celle de Juppé. La candidature de Hollande, puis la victoire de Valls à la primaire à gauche. Bref, Jean-Luc Mélenchon qui voulait enfiler le costume du gars qui apporte un nouveau souffle n'a pas vu venir la victoire de Benoît Hamon. Du coup, il s'adapte. Terminé les grandes tirades. Les reproches s'accompagnent toujours d'une main tendue. Il répète à l'envi qu'il est disponible pour rencontrer Hamon. Et jeudi, il a pris le temps de discuter avec Yannick Jadot. Un nouveau Jean-Luc Mélenchon. Vendredi, en attendant le coup de fil de Hamon, il lui a écrit un courrier (lire ci-dessous) afin de dessiner le périmètre d'un nouveau possible rassemblement : aucun contact avec Macron, dire non aux accords de libre-échange Ceta et Tafta, garantir une nouvelle République… Le candidat de la France insoumise s'est même dit prêt à consulter les «250 000 personnes qui soutiennent» sa candidature sur la plate-forme JLM 2017. Reste une question, la même que pour Benoît Hamon. A qui s'adresse Jean-Luc Mélenchon : à Benoît Hamon ou à ses électeurs ? Réponse dans les prochains jours.