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Libération
Vu de la rue

«La pensée unique, c’est celle des politiques, qui pensent uniquement à eux»

(BiG)
publié le 20 février 2017 à 20h16

Pendant la présidentielle, Libération sonde, chaque jour de la semaine, des lieux différents de la «France invisible». Ce mardi, les abords du canal Saint-Martin, à Paris, avec un sans-abri.

C'est le sport en vogue en ce début d'année 2017. Dans le rôle du punching-ball, des journalistes accusés, pêle-mêle, de relayer des «fake news», d'être à la solde du «système» ou encore de militer pour une «transparence» totale quasi «totalitaire». Et dans celui des boxeurs assenant les coups, les responsables politiques de gauche comme de droite. «Tout ça, c'est du classique», relativise Ervé, privé de domicile fixe mais pas déconnecté de l'actualité. A 44 ans, l'homme a déjà vécu quelques campagnes présidentielles.

Le cru 2017 l'intéresse, même s'il s'imagine mal aller voter au printemps. «François Fillon a peut-être inventé Internet, mais aujourd'hui le Web est devenu le grand méchant loup, analyse-t-il. Sauf qu'il n'y a rien de nouveau là-dedans. Avant Trump ou Fillon, d'autres s'en sont pris à la presse. Souviens-toi de Sarko…» Ervé ne souscrit pas à la théorie d'une supposée «pensée unique» servie par des médias connivents. «Dire ça, c'est prendre les électeurs pour des ânes bâtés. La pensée unique, c'est celle des politiques, qui pensent uniquement à eux.»

Pour lui, les torts sont partagés entre les «lecteurs» et les «éditorialistes». Selon Ervé, les premiers ne font plus l'effort «d'aller dans les kiosques» pour acheter «la presse papier», la seule qui trouve encore à peu près grâce à ses yeux. «Souvent, ils se contentent de ce qu'ils trouvent sur Internet en quelques clics.» Twitter, un outil qu'il utilise beaucoup, reste imparfait. «Sur ce réseau social, il y a une forme d'entre-soi, tu peux très vite rester dans un noyau dur. Et puis les gens y manquent beaucoup de second degré.» S'il a apprécié la présentation par Jean-Luc Mélenchon du chiffrage de son programme ce week-end, pendant cinq heures, sur YouTube, il garde ses distances avec le leader de «la France insoumise» et sa stratégie de dénonciation des médias. «Demander une tribune partout et tout le temps, ça ressemble à une dictature.»

Mais Ervé a aussi un certain nombre de griefs à l'encontre des «éditorialistes qui ont la vérité sur tout et qui se croient au-dessus des autres». Il a de plus en plus de mal à rester connecté à la même radio avec son petit transistor à piles. «Sur RTL, par exemple, ils sont assis sur leurs certitudes mais ne disent ni n'expliquent leurs partis pris.» Même critique envers Ruth Elkrief, l'animatrice de BFM TV qui a récemment multiplié les sorties contre le traitement médiatique de l'affaire Fillon, à ses yeux trop sévère pour le candidat LR. «En fait, elle oublie qu'être journaliste, ça suppose de poser des questions.»