Certes, cela aura été plus long que prévu. Mais cette fois, il y croit dur comme fer : la tempête est derrière lui. Après un mois de controverse, François Fillon pense avoir démontré qu'il ne se laisserait «pas abattre» par le scandale qui a failli le mettre hors jeu. Il a pris soin de désinstaller Twitter de son smartphone, pour ne pas s'infliger le déluge de sarcasmes sur le «Penelope Gate».
Mardi, il est sorti revigoré de son «grand oral» sur la santé organisée par la Mutualité française. D'abord parce que l'occasion lui était offerte de défendre un projet légèrement remanié par rapport à sa version initiale, qui avait créé la polémique en fin 2016. Le candidat Fillon est même revenu avec une mesure symbolique, censée faire oublier l'objectif de réduction des dépenses de 20 milliards d'euros : le remboursement à 100 % par la Sécurité sociale des lunettes pour enfants (lire ci-contre).
Ensuite, parce qu'il ne doute pas d'avoir fait la démonstration de la supériorité de ses propositions par rapport à celles de ses concurrents. Le président de la Mutualité française, Thierry Beaudet, ne les a-t-il pas lui-même qualifiées de «robustes» ? En vérité, les animateurs de ce grand oral ont tenu à avoir quelques mots aimables pour tous les candidats qui ont répondu à son invitation, notamment Emmanuel Macron et Benoît Hamon. Mais l'essentiel, pour Fillon, était de saisir l'occasion qui lui était offerte de tourner la page, dénonçant au passage ceux qui s'obstinent à le «caricaturer comme le chantre de la privatisation de la Sécurité sociale et le faux-nez des assureurs privés».
Devant quelques journalistes, le candidat assure que sa récente proposition de baisser la majorité pénale n'a rien d'une concession à Nicolas Sarkozy avec qui, «hasard» de son agenda, il déjeunait quelques heures plus tôt. Cette mesure, déjà envisagée en 2007, lui a plutôt été suggérée avec insistance par la juppéiste et présidente d'Ile-de-France Valérie Pécresse. Il trouve par ailleurs «très bien» que cette dernière ait pris l'initiative de réunir mardi soir, pour un «pot amical», les amis du maire de Bordeaux (lire ausi page 13).
«Le voilà à l’équilibre»
Alors que les sarkozystes s'organisent de leur côté pour se faire entendre, le candidat n'est pas fâché qu'une autre sensibilité se fasse entendre : «Le voilà à l'équilibre, avec ses deux ailes», s'emballe un proche. Pour maintenir cet «équilibre», Fillon prévient qu'il ne bougera pas de ses fondamentaux : le combat contre les déficits et pour la compétitivité passe par la hausse de la TVA et la suppression des 500 000 postes de fonctionnaires. Pas question de céder aux sirènes de «la relance par l'offre».
Dans le camp Fillon, on veut croire que cette semaine pourrait être celle du rebond. Après la dégringolade spectaculaire faisant suite aux révélations du Canard enchaîné fin janvier, le candidat avait échappé au pire : la plupart des sondages indiquaient qu'il pouvait compter sur un socle d'environ 18 % d'électeurs fidèles. Mardi, la dernière enquête Elabe pour l'Express faisait souffler un léger vent d'enthousiasme : pour la première fois, l'ancien Premier ministre retrouvait sa deuxième place avec 21 %, très loin derrière Le Pen (28 %) mais devant Macron (18,5 %) en baisse de cinq points. Inespéré. Voilà qui devrait conforter le retour de confiance observé ces derniers jours, à droite. «On voit rebouger certains parlementaires qui étaient devenus invisibles quand ça soufflait très fort», note, amusé, un haut responsable de la campagne. Selon lui, l'épreuve aurait même «solidifié et aguerri l'équipe de campagne» tout en levant les doutes sur «la combativité et l'endurance» du candidat.
Débats télévisés
François Fillon se dit persuadé que cette élection «se jouera au dernier moment», sur la «solidité» de son programme et sur les craintes qu'inspire celui du FN. Il est vrai, toutes les enquêtes le confirment, que l'on a jamais connu un tel niveau d'indécision à deux mois d'une présidentielle. Selon l'Ifop, 41 % des sondés disent pouvoir encore changer d'avis. Comme ce fut le cas lors de la primaire de la droite, beaucoup pourraient se décider à l'occasion de débats télévisés. C'est pourquoi les stratèges de l'équipe Fillon étaient très favorables à l'organisation d'une telle confrontation avant le premier tour. C'est dans cet exercice, ils en sont convaincus, que leur champion fera la différence. TF1 a confirmé mardi qu'un rendez-vous avait été pris le 20 mars à 21 heures pour un premier débat. Un second débat, organisé par France Télévisions, serait également à l'étude. En dépit des protestations des «petits» candidats, seuls les cinq mieux classés dans les sondages seraient invités. Fillon se trouverait donc face à Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Ces quatre-là ne seront vraisemblablement pas tous disposés à tourner la page des affaires.