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Libération
Vu d'un vestiaire de hand

«Veut-on laisser les clés du camion à Marine Le Pen ou à Macron ?»

La France invisibledossier
Pendant la présidentielle, «Libération» va sonder, chaque jour de la semaine, six lieux différents de la «France invisible». Ce jeudi, un club de handball près de Marseille.
Chroniques la France invisible : Marseille. (BiG)
par Stéphanie Harounyan, à Marseille
publié le 22 février 2017 à 12h52

C’est donc ça, une ambiance de corbillard… Ce mardi soir, l’équipe de handballeurs a fui le gymnase pour un apéro «haut les cœurs» chez Romain. Dimanche, ils ont été éliminés de leur Coupe de France à un but près. La fin du rêve de remporter le titre en mai, qui résonne étrangement avec l’arrêt des discussions à gauche entre Mélenchon et Hamon. Kader vit mal la double peine :

«Bien sûr que je suis déçu, mais ça ne m’étonne pas. A gauche, c’est toujours pareil : ils avancent de beaux principes mais après, il y a la réalité politique. C’est bien beau les idéaux de Mélenchon, mais est-ce que tu veux laisser les clés du camion à Marine Le Pen ou Macron ?».

Nico, le mélenchophyle, tente de se convaincre que c'était perdu d'avance. «A partir du moment où il avait posé toutes ces conditions, comme celle sur la loi El Khomri, c'était pas possible de toute façon…» Julien intervient, vénère : «Arrêtez les gars, c'est une honte ce mec ! Il crache sur ses collègues politiques alors que ça fait cinquante ans qu'il baigne dans le système !» Julien est l'un des rares de la bande à avoir suivi une partie de la présentation du programme de Mélenchon, un long tunnel de cinq heures «plutôt détaillé», reconnaît ce trentenaire, mais il n'adhère pas pour autant. Gilles se souvient que Julien attendait que Macron affiche son programme pour se prononcer. «Tu as vu cette semaine, il a dit deux phrases et c'est déjà la merde !, souligne-t-il. Et pendant ce temps, Fillon remonte. Il a été sanctionné au départ mais tu t'aperçois qu'il suffit qu'un autre sorte deux-trois conneries pour que la bascule parte de l'autre côté. Elle va être longue, cette campagne…»

Romain avale une goulée de bière. «Moi, j'ai l'impression d'être dans un labyrinthe, je ne sais vraiment pas pour qui je vais voter…» Kader, lui, veut rester sur ses convictions. «J'ai tiré un trait sur la présidentielle, assure-t-il. Le dernier espoir s'est envolé. Maintenant, j'attends les législatives.» Fred, le goal de l'équipe, déboule avec une vanne : «Quand je pense qu'à Londres, Macron a eu Cabaye et Mandanda à son meeting, ça promet !», se marre-t-il. Mais Kader n'a pas envie de rigoler : «Ouais, OK, le jour où il aura autre chose que des remplaçants de l'équipe de France, on en reparlera !»