Le vendredi, Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, chronique la campagne électorale.
Un effet Trump ? Notre campagne présidentielle sent le renfermé. On y parle sécurité, identité, frontières, protectionnisme - beaucoup - emploi, santé - peu -, Europe et monde - quasiment pas. Pourtant, nos forces armées sont engagées sur plusieurs théâtres, on se bat à deux heures de Marseille et à l’ouest de la Russie, et l’agenda européen est surchargé par la succession de réunions de crise (grecque, réfugiés ou pré-Brexit). Mais c’est le vent d’outre-Atlantique qui oblige déjà les campagnes à ne plus avancer tête baissée.
Le pire y est donc possible. Un candidat annoncé battu par tous les sondages de campagne peut être élu, la confusion des intérêts publics et privés, la mise à bas de tous les principes de bonne gouvernance et un comportement international délirant, tout cela est possible du jour au lendemain si les urnes en décident. Par celles-ci, le peuple a les moyens de tout chambouler. Il se dit que c’est aussi son humeur. Qui jurerait qu’il n’en aura pas envie ailleurs qu’aux Etats-Unis ?
Contestations. A menace réelle, réponses nouvelles. Les premiers pas chaotiques de la présidence Trump et le sentiment de honte qu'il suscite chez de très nombreux Américains et citoyens du monde entier transforment déjà le regard que ceux-ci portent sur la fonction présidentielle. Longtemps, là-bas comme ici, on s'en remettait, bon gré mal gré, au président comme on confie à un tiers de confiance les sujets essentiels. Désormais, la société apprend à s'en protéger. Contre-pouvoirs, contestation juridique des décisions de l'exécutif, résistance au pouvoir central. Donald Trump parle aux Américains comme s'ils étaient des enfants. Il apprend déjà que l'on ne peut plus gouverner à la papa des citoyens autonomes et éduqués. La réforme institutionnelle n'est plus un choix ; elle est une question de survie pour la vie politique.
Survie. Et puis il y a bien sûr les sujets que les premiers dégâts de l'éléphant Trump imposeront à la campagne : la nécessité d'une Europe puissante, des choix géopolitiques partagés avec nos amis européens, un réarmement scientifique et industriel autour des produits de demain, le combat - quitte à être seuls un temps - autour des enjeux climatiques, sanitaires et humains de survie de notre planète.
Désormais, la Vieille Europe se retrouve légataire universelle des idéaux d’ouverture, d’égalité et d’humanité. En un mot, la possibilité d’une nouvelle «Renaissance» au cœur de l’Europe. Que choisira-t-elle ? Les vents mauvais ou le nouveau souffle ? Donald Trump oblige l’Europe à un nouveau dessein.