Un jeudi plein de faux suspens. Benoît Hamon s'est baladé dans le Nord-Pas-de-Calais. Il a rendu visite à Arlette, une habitante d'Outreau, au maire de Boulogne-sur-Mer, Frédéric Cuvillier et il a jeté un œil sur les anciennes mines de Loos-en-Gohelle. Une sorte de marathon face au vent et sans écharpe : le candidat ne supporte pas de porter un «truc» autour du cou. Le thème du jour : la transition écologique. Il n'est pas seul. La presse est en nombre. On tente la question qui brûle les lèvres : «Alors cet accord avec Jadot ?» Le socialiste met très vite fin au suspens. Pas un mot sur le sujet. Du genre, «je suis confiant mais ça sera aux écolos de l'annoncer». Résultat, on a passé la journée dans un grand bus – d'un coin à l'autre du département - en attendant l'annonce officielle. L'accord est tombé sur les coups de 19 heures. Depuis son sacre à la primaire, Benoît Hamon a perdu beaucoup de temps dans les négociations. Un jour avec les écolos, un autre avec les frondeurs de son parti. Aujourd'hui, il veut «s'adresser aux gens et retrouver la liberté». Comprendre : une nouvelle phase de la présidentielle.
«La petite surprise» tombe à l’eau
La journée – sans suspens - se termine à Arras : un petit meeting avant de prendre la route pour Paris. On croise la route de Stéphane, un jeune militant socialiste. Le sourire aux lèvres pour son premier meeting présidentiel. L'accord du jour ? Une «suite logique». Il argumente : «Ils ont le même programme avec quelques nuances, c'est une bonne chose pour nous et pour eux. J'espère que tout se passera bien pendant la campagne.» Benoît Hamon arrive dans la salle à 20 heures : les drapeaux flottent. Selon les organisateurs, il y a près de 1000 âmes. Le candidat s'installe au premier rang. Il laisse le micro à un socialiste du coin : le sénateur Daniel Percheron. Il gâche un peu «la petite surprise» et annonce que l'intervention de Yannick Jadot, au journal télévisé de France 2, doit être diffusée en direct. Ça traîne : des problèmes techniques. L'écolo a déjà annoncé son ralliement avec Benoît Hamon à la télé et toujours pas d'image à Arras. Rien. La salle s'impatiente. Toujours rien. «La petite surprise» tombe à l'eau. On ne verra rien. Mais le fait du jour est ailleurs. Hamon et Jadot, c'est fait : tout le monde est content.
Le candidat monte sur scène : il se dit «très heureux» du choix de Yannick Jadot. «Grande fierté de représenter l'écologie politique», «l'immense honneur», «grande responsabilité». Les grandeurs ne manquent pas. Il fait le lien avec l'accord entre Emmanuel Macron et François Bayrou. «C'est une clarification, car les centristes ne sont ni de gauche, ni de gauche», lâche-t-il avec un petit sourire. La salle applaudit. Puis, il prévient son monde : «La pire des erreurs serait de croire que la présidentielle est une histoire de premier tour et que Marine Le Pen n'a aucune chance de gagner. C'est pour cette raison que nous devons incarner et rassembler toute la gauche autour d'un futur désirable.» Le temps passe. Hamon retrouve ses habitudes. Il délaisse son pupitre, marche sur scène et déroule son programme avec pédagogie : la transition écologique, la raréfaction du travail, la pauvreté. Le tout, sans oublier sa marque de fabrique, le revenu universel. Parfois, il fait dans l'humour via des imitations : il lève ses manches et prend une voix sévère pour jouer le rôle de Marine Le Pen.
«Ne vous trompez pas de colère, ne donnez pas le pouvoir au FN»
La blague est de courte durée. Benoît Hamon monte dans les tours – c'est rare chez lui en meeting – et s'adresse aux ouvriers, aux fonctionnaires : «Ne vous trompez pas de colère. Ne lui donnez pas le pouvoir. Pourrez-vous reprendre le pouvoir que vous aurez donné démocratiquement à l'extrême droite ? Le France ne peut pas prendre ce risque.» La salle apprécie le cri. Le candidat conclut avec le sujet du jour : le rassemblement de la gauche. Il lâche quelques formules. Du type: «La gauche ce n'est pas une station balnéaire, c'est un héritage, une promesse.» Benoît Hamon promet d'être «jusqu'au bout» de la présidentielle, le «travailleur inlassable du rassemblement pour que la gauche soit présente au second tour». On le retrouve après le meeting. La fatigue se lit sur les visages. Il nous parle de Yannick Jadot, «un homme que je ne connaissais pas, j'ai un eu très bon feeling, dès le départ». Un collègue lui parle de la photo, prise lors du dîner du CRIF mercredi, qui circule sur les réseaux sociaux. On y voit Macron et Hamon. Le socialiste se marre : «C'est un mec que j'aime bien, vraiment. Je lui ai dit "ça va me faire plaisir de te battre" et il a souri.» La lumière s'éteint : on remonte dans le bus.